Bailey et Pill prennent le marché à contrepied

Il y a deux semaines, nous nous étions réjouis des déclarations faites par le nouvel économiste en chef de la Banque d'Angleterre (BoE), Huw Pill, lors de sa première interview au Financial Times. Dans cet entretien, ce dernier plaidait en faveur d’une politique monétaire plus équilibrée. Selon Pill, l’économie s’était suffisamment redressée et n’avait plus besoin d'assouplissements monétaires extrêmes. La BoE (et les autres banques centrales) pouvait donc se concentrer davantage sur leur "cœur de métier" : garantir la stabilité (des prix). Concrètement, la BoE allait pouvoir relativement vite relever ses taux, dans l’espoir d’éviter des mesures de nature à perturber la croissance par la suite. Le président Andrew Bailey était aussi d'accord avec cette idée d'une hausse rapide des taux. Un bon plan, qui avait également convaincu le marché.
La décision de la BoE de ne PAS procéder à un premier modeste resserrement (de 0,1 % à 0,25 %) a donc provoqué la consternation générale hier. Pire encore, Bailey et Pill ne se sont finalement pas joints aux deux "faucons" (Saunders et Ramsden) et ont voté en faveur d’un statu quo. Cette annonce a pris tout le monde de court. Cela a poussé un journaliste à les qualifier de "petit ami peu fiable" (du marché) lors de la conférence de presse. L’explication qui a suivi n’a pas réussi à calmer les esprits. Bailey (inspiré par Powell ?) a ressorti l’argument selon lequel la banque centrale voulait d’abord voir l’impact de l’arrêt des mesures de soutien sur le marché de l’emploi. Pill et Bailey savaient évidemment déjà cela lorsqu’ils ont décidé de préparer le marché à un relèvement de taux. Le discours sur l’inflation n’a pas non plus brillé par sa clarté. Celle-ci pourrait grimper à 5 % au printemps, mais dans un même temps, la BoE est arrivée à la conclusion, sur la base de la courbe des taux actuelle (fin 2022 : 1 %), qu'elle pourrait être retombée à 2 % à la fin de l’horizon de politique, voire plus bas en cas d'évolution favorable sur le marché du pétrole.Le thème de "l'inflation temporaire" a donc fait son retour par une porte dérobée.
Depuis le mois d’août, la BoE faisait figure de pionnière, après avoir lancé l’idée d’un relèvement rapide des taux d’intérêt dans le but d'éviter un dérapage de l’inflation. Le message était bien passé sur les marchés. Les marchés des taux américain et de l’UEM s'étaient également mis à anticiper un modeste resserrement (à la fin de) l’année prochaine. Si, pour une raison quelconque, la banque ne procède finalement pas à un rehaussement de 15 pb pourtant clairement annoncé, le marché a évidemment toutes les raisons de vouloir réexaminer/réduire les positions prises dans cette perspective. Cela s'est d'ailleurs confirmé. Le taux à 2 ans britannique a ainsi plongé de 0,70 % à 0,45 %. La remontée des taux observée aux États-Unis et dans l’UEM en septembre/octobre s’était déjà essouffflée et a encore été freinée par la BoE. Ce sont surtout les taux réels qui sont repartis à la baisse. Il faudra peut-être un certain temps avant que le marché n'embrasse de nouveau l’idée d’une normalisation des taux. Pour ce faire, il faudra que l’inflation s'accélère encore un peu.
La décision de Bailey et de ses collègues n'est pas non plus restée sans conséquences pour la livre. La monnaie britannique a non seulement perdu une bonne partie du soutien des taux, mais le marché des changes réfléchira désormais aussi à deux fois avant de se laisser encore influencer par la "forward guidance" informelle de la Banque d'Angleterre. Comme pour l'euro, le marché préférera maintenant "voir avant de croire". La perte de crédibilité de la BoE a déjà coûté plus d'un "big figure" à la livre sterling. Le cours EUR/GBP ne tente désormais plus de passer sous la barre de 0,8450. La paire est de nouveau bien installée dans la solide fourchette latérale de 0,8450/0,80730. Et dire qu'il y a encore 14 jours, dans la lignée du raisonnement de Huw Pill , nous pensions que la nouvelle politique monétaire allait rendre les marchés moins ennuyeux...
EUR/GBP : la livre heurtée par la perte de crédibilité de la BoE
