La CNB dépoussière un ancien instrument de politique
La semaine passée a été particulièrement mauvaise pour les devises d’Europe centrale. Une incertitude croissante leur fait généralement payer le prix de leur liquidité inférieure. De plus, leur avantage de taux relatif est sous pression à cause de la montée récente des taux américain et européens. C’est notamment le cas pour le zloty, le gouverneur de la banque centrale polonaise ayant semé le doute quant à la poursuite du relèvement inattendu des taux opéré au début de ce mois-ci. Du côté de la Hongrie, la MNB a poursuivi son cycle de resserrement, mais a réduit le rythme de moitié depuis septembre. En revanche, en Tchéquie, la CNB a encore appuyé sur l’accélérateur à la fin du mois dernier en passant de +75 pb à 1,5%. Et un ralentissement n’est pas à l’ordre du jour: le gouverneur Rusnok n’exclut pas une augmentation de >25 pb en novembre.
Il est donc pour le moins surprenant que la semaine dernière, le favori du public ait à peine fait mieux que son homologue hongrois et soit resté à la traîne vis-à-vis du zloty. Ce matin, notre quête d’explications n’a pas donné grand-chose; en fait, nous avons même trouvé un article intéressant qui indique que le contraire devrait se produire. En effet, à partir de 2022, la CNB vendra sur le marché une partie du revenu que lui rapportent ses abondantes réserves internationales. Cette quantité massive de devises étrangères provient d’interventions sur les taux de change menées en 2013-2017. À l’époque, l’économie tchèque se remettait d’une récession. La CNB a soutenu la croissance et l’inflation en adoptant un taux directeur quasiment nul, assorti d’un cours CZK plus faible (EUR/CZK 27, surveillance du niveau plancher). La CNB a acheté massivement des euros (demande) avec des couronnes (offre) et, en bon père de famille, fait depuis lors fructifier ces réserves en devises étrangères. Cela crée un effet boule de neige – auquel Prague veut mettre un terme. Pour ce faire, la banque centrale met des euros en circulation en échange de CZK. Toutes choses égales par ailleurs, la dynamique de l’offre et de la demande entraîne une pression baissière sur le cours EUR/CZK.
En 2004-2012, la CNB a réalisé des opérations similaires: au cours de cette période, la couronne tchèque s’est appréciée de plus de 25%. Bien entendu, ce n’est pas seulement dû à la politique de la CNB, mais cette fois, notons la différence “de taille” au niveau du volume: les devises en euros de la banque centrale ont atteint près de 150 milliards de CZK en septembre, soit quasi six fois plus qu’en 2004-2012! La banque centrale ajoute qu’elle exécutera les ventes de manière à minimiser l’impact sur le taux de change. Autrement dit: l’objectif n’est pas de refaire de la couronne un instrument de politique monétaire… Néanmoins, le timing de l’annonce ne semble pas tout à fait anodin. Depuis le relèvement inattendu des taux d’intérêt fin septembre et malgré la rhétorique de Rusnok, entre autres, la CZK a perdu du terrain. Cela mine l’impact du resserrement monétaire sur l’inflation. Pour l’instant, nous ne tablons pas sur un retour de la devise en tant que complément actif à la politique de taux conventionnelle; mais nous restons à l’affût.