Back to normal
Excellente nouvelle, surtout pour nos analystes ! La politique monétaire redevient passionnante ! Voilà l’une des nombreuses réflexions intéressantes du nouvel économiste en chef de la Banque d'Angleterre (BoE), Huw Pill, dans sa première interview accordée au Financial Times. Nous vous la recommandons. Le gouverneur de la BoE, Andrew Bailey, s’est récemment posé comme un pionnier dans le débat sur la normalisation de la politique, ce qui lui a rapidement valu l’étiquette de faucon monétaire. Avec Pill, il s'est à première vue trouvé un solide compagnon de route. Comment en conclure autrement lorsque quelqu’un parle avec le plus grand respect, lors de sa première intervention publique, de son mentor, le "Professeur Otmar Issing" ; le premier économiste en chef de la BCE, aux racines profondément ancrées dans la tradition de la Bundesbank ! Si Pill n’était pas venu récemment rejoindre les rangs de la BoE, il aurait alors été le candidat idéal pour succéder à Jens Weidmann à la tête de la banque centrale allemande. Petite réflexion en passant...
Ce "faucon" naturel a livré à une analyse pointue, mais néanmoins équilibrée. Selon Pill, la politique monétaire est arrivé à un point de bascule et il refuse tout débat monétaire "en sens unique". D'après lui, la banque a mené une politique monétaire "simple" au cours de ces 13 dernières années. Tout tournait autour de la manière de stimuler la demande. Par le biais de taux d’intérêt extrêmement bas et/ou de nouveaux achats d’obligations dans le cadre du programme d'assouplissement quantitatif (QE). Ce faisant, nous risquons d’oublier que la stabilité financière reste la mission première de la banque centrale. Cela rend le contexte beaucoup moins limpide. Pill s’attend dès lors à des désaccords, y compris dans le débat au sein de la BoE.
Premier constat : l’économie s’est entre-temps bien remise de la pandémie. La BoE ne devra donc pas appuyer énergiquement sur le frein dans l’immédiat, mais l"économie n'a cependant plus besoin de mesures de stimulation extrêmes (QE et taux directeur de 0,1 %). En outre, en tant que gardien de la stabilité financière, vous n’êtes pas à votre aise lorsque l’inflation risque, selon Pill, d'atteindre 5% au début de l’année prochaine. Dans ce contexte, tout ajustement éventuel du portefeuille obligataire devient inutile.Il faut passer par le taux directeur. Et pourtant, le faucon n’a visiblement pas des serres si acérées. Pill estime également qu’une partie de la poussée inflationniste pourrait être temporaire. Rehausser le taux, oui. Mais celui-ci ne doit pas directement repasser au-dessus de la barre de 0,75 %, comme cela était le cas avant la pandémie. Le timing de ce premier resserrement n’a pas non plus beaucoup d’importance.Le marché ne doit pas se laisser dépasser. Ce matin, nous constatons que, contrairement à ce qui se passe dans l’UEM, les taux britanniques ne grimpent pas, mais sont en légère baisse. La livre ne gagne pas non plus de terrain ! Outre le dosage des incitants monétaires, Pill veut également se débarrasser de l’un des nouveaux attributs de la "boîte à outils" post-crise des banques centrales : la "forward guidance". Dans un contexte où l’inflation et la croissance sont plus instables, celle-ci pourrait créer de la confusion. Nous l’avons dit : une politique monétaire moins prévisible et plus passionnante.
Ce n'est pour l’instant qu'un exercice purement hypothétique, mais supposons que l’économiste en chef de la BCE, Philip Lane, quitte son poste et soit remplacé par Pill pour tracer les lignes directrices de la réflexion économique et monétaire au sein de la Banque centrale européenne. Y aurait-il encore de la place pour un APP+ étendu en remplacement de l’actuel PEPP ? Et quid de ces taux (directeurs) négatifs ? L’économie européenne en a-t-elle encore vraiment besoin pour rester debout dans l’ère post-coronavirus ? La probabilité que la BCE entame déjà ce débat lors de sa réunion de politique de la semaine prochaine est mince. Pour plus d'action et de suspense dans le débat monétaire, nous devrons probablement encore regarder ailleurs que dans l’UEM. Un peu dommage... pour nous analystes...