Inversion entre le taux américain à 10 ans et à 3 mois

Les marchés

Vendredi, les indicateurs PMI désastreux reflétant la confiance des entrepreneurs de la zone euro ont fait retomber le taux allemand à 10 ans sous le seuil de 0%. Les taux américains lui ont emboîté le pas sans hésiter et ont perdu jusqu'à plus de dix points de base. Les courbes des taux s'aplanissent dans le monde entier, et s'inversent même dans certains cas. Faut-il craindre une nouvelle récession? L'attention se détourne en tout cas de l'inflation qui reste à la traîne, et les investisseurs se concentrent désormais entièrement sur le scénario de croissance global.

En Europe, le directeur d'achat moyen se montre de plus en plus pessimiste au sujet de l'avenir de l'économie européenne. Le PMI de l'industrie manufacturière a chuté en mars à 47,6 points, son niveau le plus bas depuis avril 2013. Les indicateurs partiels axés sur l'avenir s'effondrent eux aussi, ce qui signifie que l'affaiblissement de l'économie est appelé à se poursuivre au deuxième trimestre également. Le taux allemand à 10 ans s'est retranché sous le seuil psychologique de 0%, ce qu'il n'avait plus fait depuis octobre 2016. Le rétablissement prudent de l'indicateur IFO reflétant la confiance des entrepreneurs allemands vient tout juste de nous réserver une bonne surprise, encore qu'une hirondelle ne fasse pas le printemps. Les taux d'intérêt américains ont perçu le mouvement et l'ont suivi sans hésiter. La rupture du taux à 10 ans en deçà du seuil crucial de 2,50% a accéléré la manœuvre. Plus tôt dans la semaine, la Federal Reserve avait déjà porté un premier coup de canif au contrat en décidant de se tenir sur la touche plus longtemps que prévu.

Pas moins de dix gouverneurs de la Fed se livreront cette semaine à quelque 14 déclarations publiques. Il sera certainement intéressant de voir comment ils réagissent au changement de cap de la Fed et aux récentes évolutions des marchés. La plupart des gouverneurs ne s'attendent plus à aucun relèvement des taux d'intérêt pour cette année. Peut-être un relèvement modéré sera-t-il opéré en 2020, mais ce n'est pas encore certain. Les gouverneurs Williams, Rosengren et George, plutôt faucons, vont-ils baisser d'un ton? Ou l'une ou l'autre colombe se laissera-t-elle aller à évoquer la possibilité d'un premier abaissement des taux? Nous le saurons bientôt. Charles Evans, le gouverneur de la Fed de Chicago, a en tout cas déjà parlé d'assouplissement monétaire ce matin.
Autant dire que les taux resteront bas encore plus longtemps, que ce soit en Europe ou aux États-Unis. Et comme le moins que l'on puisse dire est que l'inflation ne fait pas mine de s'envoler, les banques centrales ont tout le loisir de se montrer accommodantes. Normalement, il s'agit d'une bonne nouvelle pour les marchés financiers, vu que cela signifie que l'économie bénéficiera plus longtemps de leur soutien. Mais les investisseurs voient aussi dans ce changement de cap un signe que les banquiers centraux jugent les risques baissiers de plus en plus cuisants. De plus, la Fed se prive ainsi dans une certaine mesure de sa liberté d'action pour le cas où le ralentissement "temporaire" de la croissance viendrait à acquérir un caractère plus permanent.

Pour le moment, une récession n'est pas (encore) à l'ordre du jour. En Europe — et encore plus aux États-Unis —, les taux de croissance restent (pour ainsi dire) positifs. Cependant, les signaux d'avertissement se font de plus en plus nombreux. Le différentiel entre le taux américain à 10 ans et celui à 3 mois est notamment descendu au-dessous de zéro vendredi dernier, et ce pour la première fois depuis 2007. Le marché interprète souvent une inversion des courbes des taux comme un signe annonciateur d'une récession. En moyenne, une récession se manifeste environ un an après l'inversion, encore que ce timing soit très variable. Les marchés financiers sont donc en alerte. Toute nouvelle publication de taux de croissance sera sans aucun doute analysée avec une attention redoublée.
 

Figure - Pour la première fois depuis 2007, le différentiel entre le taux américain à 10 ans et celui à 3 mois est négatif

Source: Bloomberg

Disclaimer:

Ce document a été préparé par le desk KBC – Economic Markets et n'a pas été rédigé par le département Research.  Le desk est composé de Mathias Van der Jeugt, Peter Wuyts en Mathias Janssens, analysts  à KBC Bank N.V., entreprise réglementée par l'Autorité des marchés et des services financiers (FSMA). Ces recommandations de marché sont le résultat d'une analyse qualitative, dans laquelle il y a place pour l'expérience passée et les évaluations personnelles. Les avis sont basés sur les conditions actuelles du marché et peuvent être modifiés à tout moment. Les contributions les plus importantes proviennent de données accessibles au public, de nouvelles financières, de la politique économique et monétaire et d'analyses techniques actuelles. Le desk desk KBC – Economic Markets a fait des efforts raisonnables pour obtenir ces informations de sources qu'il considère comme fiables, mais le contenu de ce document a été préparé sans faire une analyse substantielle de ces sources. Aucune évaluation n'a été faite pour déterminer si ces informations sont appropriées ou non pour un investisseur particulier. Les avis sont nos avis actuels à la date indiquée sur ce document et peuvent différer des recommandations précédentes en raison de l'évolution des conditions du marché. Les auteurs ne garantissent pas l'exactitude, l'exhaustivité ou la valeur (commerciale ou autre) de ce document. De même, les auteurs ne sont pas responsables envers quiconque reçoit ce résumé de toute perte ou dommage (qu'il s'agisse d'un délit (y compris la négligence), d'une rupture de contrat, d'une violation de la loi ou d'autres obligations) résultant d'un acte ou d'une omission sur la base de ce contenu, ou de toute réclamation contre les auteurs concernant le contenu ou les informations contenues dans ce document. Toutes les opinions exprimées dans le présent document reflètent le jugement au moment de la préparation de l'examen et sont susceptibles d'être modifiées sans préavis. Étant donné la nature de cet avis (lié à la monnaie et aux taux d'intérêt), il n'est généralement pas de nature spécifique.   Il n'y a donc aucune référence à un quelconque contrat de financement d'entreprise et il n'y a donc pas de vue d'ensemble sur 12 mois basée sur les différents avis. Ce document n'est valable que pour une période très limitée, en raison de l'évolution rapide des conditions du marché.

Publications liées

La SNB sort le grand jeu

La SNB sort le grand jeu

La BCE n’est pas la Fed

La BCE n’est pas la Fed

Une pause n'est pas l'autre

Une pause n'est pas l'autre

Toutes voiles dehors: l’aval du gouvernement chinois

Toutes voiles dehors: l’aval du gouvernement chinois