Au tour de la Banque du Canada...
La BCE décidera de sa politique tout à l'heure. Nous y reviendrons demain. Hier, c'était au tour de la banque centrale canadienne (BoC) de se prononcer. Il est intéressant de voir comment la BoC mène sa barque en cette période agitée.
Comme prévu, la banque centrale du Canada a maintenu son taux directeur à 1,75%. Par rapport à ses collègues des autres banques centrales, le président, Stephen S. Poloz, a suivi une approche relativement "classique" durant ce cycle de taux. La banque a démarré son cycle de resserrement au milieu de 2017, à 0,5%. Depuis, le taux directeur a été relevé à cinq reprises. L'économie évolue (ou a évolué?) en direction d'une totale utilisation de ses capacités. Si celle-ci se rapproche de son potentiel ou finit éventuellement par le dépasser, cela alimentera l'inflation. Pour éviter que cette inflation ne s'écarte trop de l'objectif (au milieu de la fourchette 1,0%-3,0%), la taux directeur doit être rehaussé en direction de son niveau "neutre", soit un niveau qui ne freine ni ne stimule l'économie. Dans la passé, la BoC situait ce taux neutre (difficile à définir) entre 2,5% et 3,5%. Avec un taux de 1,75%, nous en sommes donc encore très loin.
En janvier, la BoC avait déjà pris acte du ralentissement de la croissance au second semestre de l'année passée. Cette décélération était cependant surtout attribuée à des facteurs temporaires, comme la chute du cours du pétrole et les problèmes de production et de transport dans la province pétrolière de l'Alberta (dont les effets devraient encore se faire ressentir en 2019). Mais Poloz a estimé ne pas devoir tenir compte de cette baisse de régime passagère. Malgré des incertitudes quant au calendrier des resserrements futurs, l'impression était que le taux allait tout de même pouvoir évoluer en direction de son niveau neutre.
Le ton adopté par la banque centrale dans son communiqué de presse d'hier est fondamentalement différent. La majeure partie du texte est consacrée aux différents facteurs d'incertitude auxquels sont confrontées tant l'économie mondiale que l'économie canadienne. La banque n'a pas publié de nouvelles prévisions officielles hier, mais elle a d'ores et déjà indiqué que la prévision pour 2019, fortement revue à la baisse, communiquée en janvier (1,7%) était plus que probablement trop optimiste.
En ce qui concerne sa politique monétaire, la banque tient un discours double. Compte tenu du niveau élevé des incertitudes, le taux directeur pourrait encore rester longtemps sous sa fourchette neutre. Il s'agit d'un fameux revirement de la part de la banque centrale. Mais contrairement à certaines autres banques centrales (Fed, Reserve Bank of Australia) qui sont passées à un "biais neutre", la BoC part toujours du principe que sa prochaine intervention sera une hausse de taux. Le calendrier des prochains resserrements reste néanmoins flou. La banque veut d'abord voir comment tous ces facteurs d'incertitude (conflit commercial, prix pétroliers...) influenceront la croissance et l'inflation au Canada.
Le marché s'est surtout concentré sur la première partie du communiqué de la BoC: le rythme et l'ampleur des éventuels nouveaux resserrements demeurent très incertains. Dans les faits, le marché des taux ne tient déjà pratiquement plus compte de nouveaux relèvements. Et le dollar canadien, qui montrait encore de solides signes de reprise en début d'année, a été fortement secoué. Dans une perspective à un peu plus long terme, nous pensons que le dollar canadien reste bon marché, surtout par rapport à son équivalent américain. Le dollar canadien pourrait d'ailleurs se redresser plus tard dans l'année, surtout si la croissance mondiale résiste relativement bien. À court terme, il semble que le Loonie ne pourra pas compter sur un soutien des taux après la réunion de la BoC d'hier. Sur le graphique technique, le plafond du cours USD/CAD atteint à la fin de l'année passée (1 3665) constitue un important niveau de résistance (soutien pour le dollar canadien donc). Nous ne voyons pour le moment aucune raison de tabler sur une rupture.