La Grèce va-t-elle enfin pouvoir tourner la page de la crise?
En 2010, l'Europe avait été frappée par une crise de la dette dont la Grèce a été la principale victime. Après plusieurs prêts d'urgence, de nombreuses mesures d'économie et quelques crises (politiques), le pays du Premier ministre Alexis Tsipras tente aujourd'hui de tourner cette page noire de sa riche histoire. Hier, la Grèce a annoncé pour la première fois en neuf ans l'émission d'un nouvel emprunt à dix ans. Peut-on parler d'un nouveau départ?
On l'aurait presque oublié, mais avant que le spectre du brexit ne fasse son apparition, c'est surtout la Grèce qui se trouvait au centre des préoccupations. À partir de 2010, les difficultés financières dans lesquelles s'est retrouvé le pays ont débouché sur plusieurs crises politiques et économiques. En 2012, on a même cru un moment que la Grèce allait, de gré ou de force, sortir de la zone euro. Le terme "grexit" était né! Nous n'en sommes finalement pas arrivés là. La Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE) et le Fonds monétaire international (FMI), regroupés sous le nom de Troïka, ont imposé toute une série de mesures d'économie à Athènes, en échange de leur soutien financier. Trois plans de renflouement et 289 milliards d'euros d'aide plus tard, la Grèce essaye aujourd'hui de relever la tête. Pour la première fois depuis mars 2010, elle a même décidé de faire son retour sur le marché des emprunts avec une nouvelle émission à 10 ans.
Le mois passé, la Grèce était déjà parvenue à lever 2,5 milliards d'euros via l'émission d'une obligation à cinq ans. Vendredi dernier, l'agence de notation Moody's a relevé la note du pays de B3 à B1, estimant notamment que la politique de réforme commençait tout doucement à porter ses fruits. Une décision qui a incité le Trésor grec à de nouveau faire appel aux marchés des capitaux. Pour Tsipras, que les récents sondages ne donnent pas gagnant aux prochaines élections législatives qui se tiendront cette année, cela signifie que le pays peut enfin ouvrir une nouvelle page de son histoire. Mais est-ce vraiment le cas?
D'une point de vue économique, la Grèce ne se porte en effet pas mal depuis quelque temps. L'économie vient d'enregistrer son sixième trimestre de croissance consécutif et le chômage diminue lentement mais sûrement (il est passé d'un pic de 28% à 18,5%). Depuis que la crise a secoué le pays, la population a néanmoins subi une perte de richesse de 25%. Et aucun signe de reprise n'a encore été observé à ce niveau. La dette publique s'élève toujours à plus de 180% du PIB, faisant ainsi de la Grèce le plus mauvais élève de la classe européenne. Selon les estimations, l'endettement ne devrait converger vers les 100% du PIB qu'en 2060. Cette hypothèse repose toutefois sur des suppositions optimistes: un excédent budgétaire de 3,4% dans les 10 prochaines années et un surplus de 2,2% par la suite. Ce calcul pourrait très rapidement être remis en cause en cas de légère surestimation des chiffres ou de nouvelle crise (politique ou économique). La Grèce a donc encore un long chemin à parcourir.
Au paroxysme de la crise, la prime de risque de la Grèce par rapport aux emprunts allemands à 10 ans (considérés comme sûrs) avait dépassé les 3 500 points de base. Depuis, le pays a repris des couleurs, notamment grâce aux divers programmes de soutien et d'assainissement réalisés. La politique de la BCE et le relèvement de la note de Moody's vendredi dernier ont fait chuter le taux à 10 ans grec à son niveau le plus bas depuis 2006. La Grèce a donc retrouvé son niveau d'avant la crise sur le marché des emprunts. Une évolution principalement due au profil favorable de l'encours de la dette. La majeure partie de celle-ci est en effet due à la Troïka, avec des échéances plus longues que celles des nouvelles émissions. Le marché en déduit par conséquent que le pays dispose d'une capacité de remboursement suffisante.