Le zloty ne profite pas des mesures de stimulation
Beaucoup de pays/régions se demandent comment faire face au spectre d'un ralentissement de la croissance. La plupart des banques centrales estiment ainsi qu'elles n'ont pas encore épuisé toutes leurs munitions. Elles pourraient encore assouplir leur politique si nécessaire. La question est néanmoins de savoir si une telle approche a du sens dans des régions comme l'UE(M) ou le Japon, qui doivent déjà depuis longtemps composer avec les effets secondaires de taux extrêmement bas. Pour stimuler l'économie, mieux vaudrait dès lors passer par l'angle budgétaire. Cela n'a toutefois rien d'évident. Certains pays (comme l'Italie) aimeraient bien, mais ils ne disposent pas des marges nécessaires pour cela. D'autres en ont les moyens, mais préfèrent prôner l'orthodoxie budgétaire (Allemagne). En ce qui concerne les États-Unis, on est toujours en droit de se demander si les mesures de soutien prises l'année passée étaient bien nécessaires/souhaitables d'un point de vue économique ou budgétaire. Comparaison n'est pas raison, mais le cas de la Pologne présente tout de même quelques similitudes avec celui des États-Unis.
D'après la dernière estimation de la Commission européenne, l'économie polonaise a progressé de 5,1% en 2018. Pour cette année et la prochaine, les prévisions font en revanche état d'une décélération. KBC table sur un ralentissement à 3,3% en 2019 et 3,2% en 2020. La semaine prochaine, la banque centrale polonaise (NBP) actualisera ses prévisions. Quoi qu'il arrive, le gouvernement du parti Droit et Justice (PiS) a déjà estimé utile de puiser à nouveau dans son arsenal budgétaire. Le fait que le parti voit sa popularité décliner à l'approche des élections européennes (mai) et des élections législatives (automne) a certainement pesé dans la balance. Ce week-end, le Premier ministre Mateusz Morawiecki a ainsi annoncé un programme de relance ambitieux d'une valeur de 40 milliards PLN. Ce programme prévoit une augmentation des pensions, des allocations pour les ménages, une réduction d'impôt pour les jeunes travailleurs et de nouveaux investissements dans l'infrastructure.
Les marchés sont restés partagés après l'annonce de ces mesures. Ce sont surtout les taux à long terme qui ont augmenté considérablement. La hausse est en revanche restée limitée au niveau des échéances plus courtes et le zloty n'en a pas non plus vraiment profité. La théorie économique suggère néanmoins qu'un important assouplissement de la politique budgétaire peut, toutes choses étant égales par ailleurs, s'accompagner d'une politique monétaire moins accommodante. Cela ne s'applique toutefois pas dans le cas de la Pologne.
Malgré la vigueur de la croissance et les importantes hausses salariales (autour de 7,5%), l'inflation polonaise est restée largement inférieure à l'objectif de la Banque centrale polonaise de 2,5% en 2018 (0,9% en glissement annuel en janvier), notamment en raison de la chute du cours du pétrole et de certains facteurs techniques. La NBP s'est toujours montrée réticente à l'idée de prendre des mesures susceptibles de freiner "inutilement" l'économie. La faiblesse de l'inflation offre donc à la banque centrale l'excuse parfaite pour maintenir son taux directeur bas (1,5%). Lors de sa réunion de politique de début février, la banque centrale polonaise a dès lors indiqué que la probabilité d'un resserrement de taux avait encore diminué (2020 ou plus tard?). Dans ce contexte de ralentissement global de la croissance et d'inflation relativement faible, certains investisseurs se sont récemment demandé si la NBP n'allait pas rouvrir le débat sur une baisse de taux! Après les nouvelles mesures annoncées, cette question ne semble plus être à l'ordre du jour. Le marché (des changes) en a conclu, probablement à raison, que le monnaie polonaise devra encore attendre longtemps avant de pouvoir compter sur un soutien des taux. Dans ce contexte d'incertitude généralisée autour de la croissance, il est en effet peu probable que la NBP prenne l'initiative de relever ses taux. Nous ne nous attendons donc pas à une rapide reprise du zloty pour le moment.