Un report n'est pas l'autre
Ces dernières semaines ont été le théâtre de négociations intensives en vue d'enfin trancher le conflit commercial opposant les États-Unis et la Chine. Les deux plus grandes puissances économiques au monde n'en sont pas encore là, mais le ton devient néanmoins de plus en plus constructif.
Les fonctionnaires américains et chinois ont déjà mis la dynamique positive à profit il y a environ deux semaines. Dès la clôture des "négociations productives" menées à Pékin, les parties s'étaient fixé un nouveau rendez-vous. Cette deuxième vague a eu lieu la semaine dernière à Washington. La rencontre entre le président Trump et le vice-premier ministre chinois Liu He, vendredi, devait en marquer l'apothéose. Mais finalement, ces messieurs ont passé tout le week-end ensemble. Si l'on en croit le président américain, cette rencontre s'est soldée par des "progrès substantiels" sur plusieurs points litigieux, dont la devise chinoise, le transfert technologique, la protection de la propriété intellectuelle et l'agriculture. Donald Trump a donc décidé hier soir de reporter l'augmentation prévue (de 10% à 25%) des taxes sur 200 milliards $ d'importations chinoises. Cette augmentation devait normalement entrer en vigueur le 1er mars. Dans l'hypothèse où les négociations se poursuivent dans le même climat favorable, il a promis de rencontrer son homologue Xi Jinping. Un sommet qui pourrait déjà avoir lieu à la fin mars.
Donald Trump avait déjà fait un "geste" similaire l'année dernière, évitant ainsi cette même augmentation des taxes qui devait initialement prendre effet début 2019. Ce nouveau report laisse à penser que le processus de dégel de la relation glaciale entre les États-Unis et la Chine en est déjà à un stade bien avancé. On ne peut pas en dire autant des négociations commerciales entre les États-Unis et l'Europe. Dans ce dossier, les deux parties discutent encore du moment de l'ouverture des négociations (relatives aux exportations de voitures européennes à destination des États-Unis). En marge de la faiblesse persistante des statistiques européennes, ce dossier est une autre cause importante de la performance peu convaincante de l'euro ces derniers temps. Encore aujourd'hui et malgré l'amélioration incontestable du climat (commercial), le différentiel EUR/USD ne progresse qu'avec hésitation dans son canal latéral (à mi-chemin de 1,13-14).
L'impasse totale dans le dossier du Brexit reste également un boulet, non seulement pour l'euro, mais aussi (et surtout) pour la livre. Hier, la première ministre britannique Theresa May n'a pas fait de mystères quant à l'absence de progrès sur la question irlandaise. Elle a donc décidé de ne pas soumettre de nouvel accord sur le Brexit au parlement mercredi, et demande un nouveau "meaningful vote" le 12 mars. En programmant ce vote à peine 17 jours avant la date butoir prévue pour la sortie effective de l'Union européenne, elle maintient la pression sur ses collègues européens. Il se peut d'ailleurs que sa démarche vaille aussi à Theresa May les foudres du parlement britannique. Il n'est donc pas exclu que le parlement retire mercredi au gouvernement son droit d'initiative dans le dossier du Brexit et exige un vote sur un report de la date butoir du 29 mars. Selon les bruits qui courent dans les couloirs européens, un tel report n'aurait de sens que s'il est suffisamment long (jusqu'en 2021 !). Depuis le référendum de 2016, l'expression "kicking the can down the road" semble de plus en plus s'appliquer au Brexit. Si ces tergiversations sont susceptibles de soutenir la livre à court terme, elles ne résolvent en rien l'incertitude à (plus) long terme quant à l'issue du Brexit.