L'EUR/USD ne cesse de baisser

 Les Marchés

Mis à part un repositionnement en faveur du dollar et aux dépens de l'euro en mai, le différentiel EUR/USD aura surtout connu une évolution latérale cette année. Les fluctuations et la volatilité sont aussi restées assez limitées d'une manière générale. Ce matin, ce scénario a été remis en question par une chute de l'EUR/USD en deçà de la fourchette de 1,13/1,18 observée ces derniers mois.

Il n'y avait en outre pas vraiment de grande nouvelle de nature à expliquer ce mouvement. En quelque sorte, la paire de devises a choisi la "voie de la moindre résistance". Le scénario est déjà établi depuis un certain temps pour le dollar en général et pour l'EUR/USD en particulier. L'économie des États-Unis fait preuve d'une vigueur largement suffisante. Elle bénéficie toujours du soutien (inutile) de la politique fiscale généreuse de l'administration Trump. Dans un tel contexte, la "tâche" de la Fed consiste à donner de temps en temps un coup de frein. Au grand dam du président Trump, Jerome Powell et les siens portent donc progressivement les taux d'intérêt en direction d'un niveau neutre, voire légèrement restrictif. Le durcissement des conditions monétaires amorcé par la plus grande banque centrale au monde a déjà à plusieurs reprises mis les marchés mal à l'aise cette année. Les bourses ont notamment eu quelques accès de vertige et les pays émergents disposant d'une dette relativement importante en USD se sont retrouvés sous pression à cause de la remontée de l'USD et des taux d'intérêt américains. D'aucuns espéraient peut-être dernièrement que ces "effets secondaires" du durcissement rendraient la Fed plus prudente, mais ce n'est pas l'impression que donnait le communiqué de politique de la semaine passée. Pour l'instant, Powell et les siens poursuivent tranquillement ce qu'ils ont commencé. Entretemps, le différentiel d'intérêt entre les États-Unis et nombre d'autres économies développées atteint des records historiques. Le différentiel d'intérêt à 2 ans entre les États-Unis et l'Allemagne excède par exemple 3,5%. Cela n'a rien d'étonnant et la plupart des investisseurs possèdent dans l'intervalle suffisamment de dollars que pour pouvoir profiter de la croissance américaine et de la remontée des taux d'intérêt. Ceux qui par contre ont pris leurs bénéfices ou ont jugé bon d'anticiper sur une correction du dollar n'ont pas encore eu à s'en féliciter. La perspective d'un Congrès divisé après les élections intermédiaires de la semaine dernière n'a pas suffi non plus à déstabiliser le dollar. À mesure que l'économie américaine prend des allures plus "post-cycliques", il devient judicieux de faire preuve d'une certaine prudence à l'égard des positions longues en dollars. D'autre part, les banques centrales de la plupart des autres pays industrialisés — la BCE en tête — ne se montrent pas pressées de suivre la Fed dans sa normalisation monétaire. On ne s'en étonnera pas non plus, et le marché des taux tenait déjà dans une large mesure compte de cette attitude. Le coût est toutefois élevé pour les investisseurs qui tentent par le biais de positions "short" en USD d'anticiper sur une modification de l'équilibre monétaire relatif entre la Fed et par exemple la BCE. De plus, le climat économique et politique qui règne en Europe ces derniers temps ne laisse pas non plus présager une intervention de la BCE sur les taux d'intérêt avant septembre de l'année prochaine. Loin de là.

Pour résumer: une véritable nouvelle n'est peut-être pas nécessaire pour expliquer le mouvement amorcé ce matin par l'EUR/USD. Les investisseurs qui ont dernièrement ramé à contre-courant des bonnes nouvelles et de la tendance positive de l'USD n'en ont retiré aucun profit, et un positionnement "short" permanent est plutôt coûteux. Il semblerait que quelques-uns de ces adeptes des positions "short" en USD aient jeté l'éponge après la réunion de la Fed qui s'est tenue la semaine dernière. La rupture de ce matin en deçà du niveau de soutien de 1,13 a engendré un repositionnement logique vu que nombre d'investisseurs avaient intégré une protection stop-loss à partir du plancher de l'année dernière. Jusqu'à nouvel ordre, nous sommes d'avis que ce mouvement était surtout dicté par des facteurs techniques. Nous n'en tirons donc pas de grandes conclusions à long terme. Quoi qu'il en soit, il s'agit tout de même d'une nouvelle preuve que l'écrêtement cyclique du dollar est un processus de longue haleine, en dépit de tous les risques à plus long terme qui se profilent à l'horizon pour l'économie américaine (endettement en hausse, déficit externe et fiscal). Pour l'heure, nous nous attendons à voir l'EUR/USD s'installer dans la fourchette de 1,10/1,15. La dynamique à court terme suggère toutefois qu'il lui sera plus aisé, dans l'immédiat, de tester la limite inférieure de ce canal que la limite supérieure. Pour un test à la hausse, il sera probablement nécessaire de balayer d'abord un certain nombre d'obstacles européens (Italie, Brexit…). La prochaine zone de soutien technique se situe aux alentours de 1.1187 (62% de l'intervalle 1,0341/1,2555).
 

Figure - L'EUR/USD chute en deçà de la fourchette de 1,13/1,18

Source: Bloomberg

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