De héros à anti-héros
Hier, le président de la NBP, Adam Glapinski, a dû renoncer à contrecœur à son ambition d’achever son mandat sans relèvement des taux. Ces derniers mois avant la pension auront donc été ceux de trop. Contre toute attente, la banque centrale polonaise a donc relevé son taux directeur de 0,1 % à 0,5 % hier. La conférence de presse de Glapinski cet après-midi s'annonce intéressante.
Si le timing du relèvement de taux est tout à fait inattendu, il n'est pas non plus totalement injustifié. Nous avions encore récemment mis en garde contre un revirement de politique de la NBP en novembre, en évoquant les nouvelles prévisions de croissance et d’inflation. Cette dernière a atteint des niveaux inédits depuis plus de 20 ans (5,8 % en glissement annuel) et se situe largement au-dessus de l’objectif de 2,5 % de la banque centrale. La pression excessive qui s'exerce sur les prix n'entre même plus dans la marge de 1 % tolérée par l'institution. L'économie polonaise se porte toujours bien, même si elle n’échappe pas aux difficultés provoquées par la crise de la chaîne de production internationale. L’impact de la dernière vague de Covid reste limité.
La question clé est de savoir d’où vient cette volte-face de la NBP. Le communiqué accompagnant la décision a encore clairement été rédigé par un allié de Glapinski. La majeure partie du texte insiste toujours sur le caractère temporaire de la poussée inflationniste. Entre les lignes, nous pouvons toutefois trouver quelques références à une spirale haussière des salaires, à une pression sur les prix due à la forte croissance et au risque que l’inflation reste plus longtemps que prévu au-dessus de l’objectif. Mais la véritable raison de ce subit revirement n’est toujours pas claire. Nous supposons que c'est la main invisible de l'État qui a poussé la banque centrale à prendre cette décision. Ce n'est un secret pour personne : cela fait des années que le gouvernement et la banque centrale sont intimement liés. "La croissance avant tout" a pendant longtemps été la stratégie qui a justifié la mise en place des politiques budgétaire et monétaire accommodantes. Mais depuis peu, c'est surtout l’impact de l'inflation sur le consommateur/l’électeur qui domine les débats dans les médias et le monde politique en Pologne. Or, cela fait quelques années que le tout puissant parti au pouvoir, le PiS, voit sa popularité s'effriter. La crainte d’une déconvenue électoral a donc probablement poussé le gouvernement à changer de nouveau son fusil d’épaule. Après avoir été un bon soldat pendant des années, Glapinski pourra être pointé du doigt si le resserrement de la politique monétaire provoque un ralentissement de la croissance. Un beau cadeau d'adieu ! Le gouvernement restera hors d’atteinte et pourra recommencer à appliquer ses vieilles recettes à partir de l’année prochaine.
Sur le marché des changes, le zloty s’est envolé. Le cours EUR/PLN laisse définitivement derrière lui la zone de résistance de 4,60/65 et évolue en direction de 4,54. Il est impossible pour nous de deviner quelles seront les prochaines actions de la NBP à partir du communiqué qui a été publié. Il est en revanche frappant de constater que la banque reste muette à propos de son programme d’achats d’obligations fait défaut dans toutes les langues (fin progressive ?). Le marché des taux anticipe un nouveau mouvement de rattrapage (des taux) en novembre et/ou décembre. Dans un premier temps, le cours EUR/PLN pourrait évoluer en direction d’un niveau de support intermédiaire de 4,50. Le seuil technique crucial, mais très solide, se situe à 4,37.