Quand le black-out devient réalité
Depuis peu, la Chine est confrontée à des pénuries d’électricité croissantes, principalement dans l’est du pays. Pour y faire face, le gouvernement déconnecte périodiquement de plus en plus de secteurs et d’entreprises du réseau électrique. Par exemple, les entreprises de la ville industrielle de Dongguan ont dû interrompre leur production jusqu’à quatre ou cinq jours par semaine. Dans d’autres provinces, les industries les plus énergivores, comme la production de ciment ou d’aluminium, en subissent l’impact. Dans quelques cas exceptionnels, l’électricité “résidentielle” est également rationnée. En 2021, la Chine assiste donc à un black-out partiel – un scénario qui rappelle la situation belge en 2018, quand les villes et les communes ont mis en place des plans de délestage pour compenser les risques de pénurie d’électricité.
Cette pénurie n’est pas tout à fait inattendue. Elle est en partie due à une politique économique d’écologisation poussée et une production d’énergie domestique insuffisante pour suivre la forte demande (dans le contexte de la reprise). Depuis le 13e plan quinquennal (2016-2020), les autorités chinoises misent fortement sur l’écologisation de l’économie, sur la base d’un objectif de double contrôle. C’est-à-dire qu’elles veulent non seulement réduire la consommation énergétique totale, mais aussi l’intensité énergétique du PIB. L’objectif est à présent d’atteindre 13,5% de réduction sur la période 2021-2025. Il est en tête de l’agenda politique chinois, non seulement à cause de la transition climatique annoncée au niveau domestique (le plan 30/60), mais aussi en raison du prestige international lié à la réduction des émissions – surtout à l’approche de la nouvelle conférence mondiale sur le climat. Somme toute, les progrès à cet égard restent limités. Tenues responsables, les autorités locales rationnent l’électricité.
La pénurie d’électricité est aussi due à des restrictions de production: à cause du sous-investissement structurel dans le charbon et vu les réserves limitées de charbon, il n’est pas possible d’augmenter rapidement la production d’énergie pour répondre à la hausse de la demande. De plus, avec le plafonnement du prix de l’électricité, la hausse des prix à l’importation du charbon ne peut pas être répercutée sur le consommateur. Résultat: une pénurie de production (temporaire) et une forte demande pour d’autres sources d’énergie rapidement disponibles. Pensez par exemple aux méthaniers déviés vers la Chine.
Les pénuries d’électricité dans la deuxième économie mondiale peuvent avoir d’importantes répercussions; le choc négatif de l’offre se fera non seulement sentir en Chine, avec un impact sur la croissance et une inflation accrue, mais aura aussi des effets de contagion. Certains de ces effets sont déjà visibles, comme en témoigne la hausse des prix du gaz et du charbon. À une phase ultérieure du cycle, cela entraînera aussi une hausse des prix à l’exportation et de la production et peut-être aussi une poussée inflationniste. Une nouvelle illustration, si besoin était, des effets macroéconomiques de la transition climatique.
Hans Dewachter, KBC Group Chief Economist