Le marché table à nouveau sur un revirement de la politique polonaise
La semaine dernière, les faucons tchèques ont pris leur essor. Mais pendant combien de temps les colombes polonaises resteront-elles au nichoir? Ce n’est pas la première fois que nous nous posons la question. En septembre, le gouverneur Glapinski avait mis un terme aux spéculations. Fin août, le marché des changes s’était envolé à la suite de la publication des chiffres de l’inflation en Pologne. Le cours EUR/PLN s’est replié en direction de 4,50, avec un éventuel premier relèvement des taux en novembre en perspective. Ensuite, la détermination de Glapinski à terminer son mandat (mi-2022) sans hausses de taux d’intérêt et la volatilité des marchés ont de nouveau poussé la paire de devises vers 4,65, le zloty renouant ainsi avec les cours les plus faibles en plus d’une décennie.
Un mois plus tard, le marché des changes a déjà oublié ses déboires. Le procès-verbal de la dernière réunion de politique de la banque centrale polonaise, combiné aux nouveaux chiffres de l’inflation, ont fait passer le cours EUR/PLN de 4,65 à 4,55. Une fois encore, les marchés ont la date du 3 novembre en tête. Le procès-verbal de la réunion de septembre marque le début du revirement. Une minorité de banquiers centraux polonais redoutent les conséquences durables de la poussée inflationniste et ont présenté deux propositions au comité de politique; toutes deux ont pour l’instant été refusées. La première – une augmentation traditionnelle limitée (+15 pb à 0,25%) – avait déjà été rejetée à deux reprises plus tôt cette année. La deuxième a fait office de coup de clairon: un relèvement des taux controversé de 0,1% à 2% a été soumis au vote du comité de politique! Ce serait un mouvement de rattrapage conséquent. Pour les marchés, c’est un signal indiquant que la fonction de réaction de la banque centrale polonaise pourrait finir par dévier de la politique de l’autruche de Glapinski. L’avertissement suivant s’est présenté sous la forme des chiffres de l’inflation du mois de septembre. À nouveau, la hausse a été plus rapide que prévu (0,6% en glissement mensuel et 5,8% en glissement annuel), jusqu’au niveau le plus élevé en plus de vingt ans et au-delà de la limite supérieure de la fourchette de tolérance (3,5%) autour de l’objectif d’inflation de 2,5%. Les salaires polonais ont quant à eux augmenté de 8% sur base annuelle au premier semestre, contre 5,8% pendant la même période en 2020. Les détails des PMI polonais pour l’industrie manufacturière, qui étaient également à l’ordre du jour vendredi, ont souligné la pression haussière sur les prix. Certaines entreprises interrogées se montrent par ailleurs inquiètes pour la croissance future en raison de la dynamique des prix, faisant explicitement référence au risque de stagflation.
Mercredi, les banquiers centraux polonais tiendront une réunion de politique intermédiaire. Le marché s’attend au moins à ce que la dynamique inflationniste préoccupante soit mise en avant. La NBP disposera ainsi d’une marge de manœuvre pour réagir (début de la normalisation de sa politique) lors de sa réunion de novembre: à ce moment-là, elle disposera en effet de nouvelles prévisions de croissance et d’inflation susceptibles de servir de motif pour un changement de cap. Quant à la possibilité de nouveaux gains du zloty à partir des niveaux actuels, nous demandons à voir avant d’y croire…
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC