Les faucons tchèques s’envolent
Les dernières décisions de politique des banques centrales se sont généralement résumées à une simple formalité. En prévenant longtemps à l'avance les marchés, elles ont permis à ceux-ci d'adapter progressivement leur positionnement, évitant ainsi les chocs inutiles. La décision prise hier par la banque centrale tchèque (CNB) a en revanche créé une surprise de taille. La banque n'a en effet pas rehaussé son taux directeur de 25 points de base comme lors des réunions précédentes. Ni même de 50 points de base, comme le marché l'avait finalement intégré. Elle a littéralement doublé son taux directeur en le relevant de 75 points de base, à 1,50 %. Aucun analyste du consensus n'avait vu venir une hausse de cette ampleur !
La CNB a-t-elle pris le marché à contrepied ? Pas vraiment. Cel fait longtemps qu'elle explique qu’elle interviendra pour lutter contre la hausse de l’inflation. Et elle a encore clairement répété ce message après la poussée inflationniste du mois d'août, de 3,4 % à 4,1 %, largement au-delà de la limite supérieure de 3 % de la marge tolérée autour de l’objectif de 2 %. Les marchés ne sont toutefois plus habitués à ce que les banquiers centraux se montrent plus agressifs que prévu. Cela n’a rien d’étonnant. Ceux qui ont anticipé la normalisation de la politique ces dernières années n'ont pas vraiment été à la fête. Les banques centrales n’ont en aucun cas voulu perturber la dynamique de la croissance ou provoquer des turbulences inutiles sur le marché. Le mantra sur le caractère globalement temporaire de l’inflation explique cette fonction de réaction. "Cela ne va pas durer." En cas de doute, les Powell et Lagarde de ce monde préfèrent généralement maintenir leur politique accommodante un peu trop longtemps que de se voir reprocher par la suite d’avoir inutilement freiné la croissance.
Cette attitude qui consiste à "voir avant de croire" n'est pas celle de la CNB. Elle ne correspond pas à son ADN orthodoxe. En outre, la CNB ne partage pas vraiment l’idée que la poussée inflationniste sera temporaire, même si celle-ci est en partie le résultat des prix de l’énergie plus élevés et des hausses de prix dues aux perturbations dans les chaînes d'approvisionnement. La banque centrale tchèque s’attend aussi à une forte hausse de l’inflation de base dans le pays, sous l’effet de l’augmentation des coûts du logement. L’inflation des services s'accélère également après la réouverture de l’économie. Au quatrième trimestre, la hausse des tarifs du gaz et de l’électricité risque de maintenir les pressions inflationnistes à un niveau élevé. En outre, l'économie se porte bien. Pour cette année, la CNB table sur une croissance de 3,5 %. Et sur un taux encore un peu plus élevé pour l’année prochaine. Cela risque donc de provoquer une surchauffe sur un marché du travail déjà tendu, avec pour conséquence une accélération de l'inflation des salaires. Une inflation classique donc, qui nécessite une réaction monétaire tout aussi classique.
À quoi faut-il s'attendre pour la suite ? Pour ses prochaines interventions, la CNB va se fonder sur les nouvelles prévisions de croissance et d’inflation qui sortitont lors de sa réunion de politique du 4 novembre. Par rapport au mois d’août, une révision à la hausse de l’inflation est pour ainsi dire certaine. Vu la manière avec laquelle la banque a agi ces derniers temps, une augmentation de 50 points de base d'ici la fin de l’année (une réunion de politique est également prévue le 22 décembre) constitue le minimum auquel on peut s'attendre. Ce type d’action préventive ne va évidemment pas se répéter indéfiniment, mais le marché s’attend d’ores et déjà à ce que le taux directeur soit relevé à (au moins) 2,5 % l’année prochaine.
La couronne tchèque a reçu un coup de pouce et s’est raffermie, malgré un sentiment négatif à l’égard du risque, à un peu moins de EUR/CZK 25,30. L’important niveau de support (résistance pour la couronne) de EUR/CZK 25,25 n'a pas été franchi. Nous restons positifs vis-à-vis de la CZK, même si elle aurait pu s'apprécier davantage. Même la CZK a apparemment aussi besoin d’un sentiment constructif à l’égard du risque pour passer un cap supérieur.