Augmentation du risque de surévaluation de l’immobilier européen
Le marché européen du logement a continué à afficher d’excellentes performances malgré le Covid-19. Selon les chiffres d’Eurostat, les prix des habitations dans l’UE ont augmenté de 6,1 % au premier trimestre 2021 (dernier chiffre disponible) par rapport à l’année précédente,soit plus que la hausse moyenne des prix de 4,8 % et 5,5 % enregistrée respectivement en 2019 et 2020. La bonne tenue du marché dans des circonstances économiques pourtant difficiles s'explique notamment par la faiblesse des taux d’intérêt et les aides aux revenus dont les citoyens impactés ont pu bénéficier dans la plupart des pays. Cela a permis à l’immobilier de rester abordable.En outre, cette combinaison de taux d’intérêt bas et d’un climat économique incertain a ravivé l’intérêt des investisseurs. Outre la forte demande, la hausse des prix est, dans de nombreux pays, également due à la lenteur de l’adaptation de l’offre de logements.
La question est de savoir si le marché du logement n'est pas en surchauffe dans ce contexte de crise profonde. Il est possible de vérifier cela grâce aux mesures de valorisation de la BCE. Les chiffres du premier trimestre de 2021 ont été récemment publiés. La valorisation de la BCE basée sur un modèle économétrique (un des quatre indicateurs) est généralement considérée comme la plus fiable. Cette approche évalue un prix d’équilibre sur la base de déterminants fondamentaux (revenu ou PIB par tête d'habitant, taux, offre de logements…). Lorsque les prix s'écartent effectivement de ce prix d'équilibre, le modèle pointe alors sur une sous-évaluation ou une surévaluation. Le chiffre ainsi calculé en matière de surévaluation ou de sous-évaluation était plus élevé début 2021 que début 2020 dans 25 des 27 États membres (voir graphique). Dans pas moins de 14 pays, l'écart atteignait même 10 points de pourcentage ou plus. C’était également le cas au Royaume-Uni, qui ne fait désormais plus partie de l’UE.
C’est surtout au Luxembourg et en Suède que le modèle de la BCE (mais aussi les autres approches de valorisation) indique une forte surévaluation depuis déjà un certain temps. Celle-ci a encore augmenté dans les deux pays pendant la pandémie et tournait autour de 50 % au premier trimestre de 2021. La surévaluation estimée par le modèle est également assez élevée en Autriche (33 %), en Tchéquie (30 %) et au Royaume-Uni (25 %). Le marché belge est également surévalué, mais pas encore de manière excessive. La surévaluation du marché immobilier belge calculée par le modèle de la BCE (14 % au premier trimestre 2021) correspond à celle estimée par le modèle de KBC (12 %) et par celui de la BNB (14 % en moyenne en 2020).
Il est difficile de prévoir si ces surévaluations entraîneront une correction des prix et, si oui, à quel moment. Nous partons en tout cas du principe que la dynamique des prix va s’affaiblir dans la plupart des pays de l’UE, en parallèle avec la hausse attendue (mais pas forte) des taux d’intérêt, mais qu’elle restera positive. Si les prix du logement continuent toutefois de grimper plus que prévu (par exemple en raison du grand intérêt des investisseurs), la surévaluation continuera alors probablement à augmenter, avec le risque d’une (forte) correction du marché plus tard.
Johan Van Gompel, Senior Economist KBC Group