Sommes-nous prêts pour un monde “sans” soutien?
Cette semaine, une série de réunions de banquiers centraux sont à l’agenda. La Fed vient évidemment en tête de liste: “to taper or not to taper, that is the question”… avec des conséquences potentiellement majeures pour l’ensemble des marchés. La Riksbank suédoise, la banque centrale hongroise (MNB), la Banque du Japon, la Banque d’Angleterre, la Norges Bank et la banque centrale suisse (SNB) tiendront également conseil. La BoJ, la SNB et la Riksbank maintiennent en place le régulateur de vitesse de la politique monétaire, bien que la poussée inflationniste du mois d’août ait éprouvé les limites de la zone de confort suédoise. Quant à la MNB, elle n’en est plus là: elle a été en quelque sorte contrainte et forcée de réagir à l’inflation. Dans quelle mesure poursuivra-t-elle sur sa lancée? La pression augmente pour maintenir le rythme établi de 30 pb par réunion. Le scénario norvégien est encore différent, avec une inflation qui reste modérée, mais une économie suffisamment solide pour pouvoir s’en sortir avec un soutien monétaire réduit. La Norges Bank entamera presque certainement un cycle de taux progressif. En ce qui concerne la Banque d’Angleterre et surtout la Fed, les marchés attendent avec impatience de connaître le moment du repli monétaire.
Nous savions que ce serait un exercice délicat. La nervosité manifestée à la fin de la semaine dernière montre à quel point la perspective d’un sevrage de la politique monétaire ultra-souple agite les marchés. En soi, le fait que nous en soyons arrivés là est une bonne chose: l’inflation trop faible a repris plus vite que prévu et l’économie s’est elle aussi redressée plus rapidement que nous l’espérions. Une normalisation progressive (sur le plan de la réduction des achats d’obligations, sans encore évoquer de relèvements des taux) ne devrait pas sonner le glas de la reprise. Au contraire, les consommateurs et les entreprises signalent que l’inflation est plutôt un frein qu’un soutien pour leurs activités. De même, vu l’équilibre actuel entre l’offre et la demande, un soutien supplémentaire à la demande est superflu.
Mais ce sont surtout les marchés qui risquent d’être arrachés à leur zone de confort, à en croire la combinaison assez inhabituelle de bourses et d’actifs risqués en phase de correction et de taux plus élevés. Autrement dit, les marchés devront réapprendre à évoluer d’après une dynamique intrinsèque plutôt qu’en comptant sur des mesures de soutien et/ou des taux plancher. D’ailleurs, les investisseurs semblent comprendre que le changement de cap ne pourra pas être reporté indéfiniment. Lorsque les données étaient relativement robustes, les taux réels ont eu tendance à augmenter, en raison de la probabilité croissante d’un tapering. En revanche, quand les nouvelles étaient moins bonnes, ces taux n’ont guère baissé, voire pas du tout. Reporter l’inévitable entraînera une inflation (ou des prévisions d’inflation) encore plus élevée(s): la question n’est donc pas tant de savoir si le démantèlement des achats d’obligations se justifie au vu des paramètres en matière d’inflation et d’emploi, mais plutôt si la Fed est prête à virer de bord sans savoir comment le marché réagira. À court terme, un signal fort, y compris avec un relèvement des taux réels, pourra engendrer une volatilité accrue. Mais vaut-il vraiment mieux – même pour les marchés – remettre au lendemain, ce qui aura pour effet de prolonger les incertitudes liées à l’inflation? Un signal fort aurait le bénéfice de la clarté. Après une clôture nerveuse la semaine dernière, ce matin, les marchés continuent à marcher sur des œufs. Cette phase pourrait durer, en tout cas jusqu’à mercredi soir.