Le zloty amorce un mouvement de rattrapage
La banque centrale polonaise (NBP) va relever son taux directeur pour la première fois en novembre, même si elle ne le sait peut-être pas encore. C''est en tout cas la conclusion qu'a tirée le marché des taux à court terme après la publication des chiffres de l'inflation du mois d'août, la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Contre toute attente, l'inflation a grimpé de 5 % à 5,4 % en glissement annuel, son rythme le plus soutenu depuis mi-2001 et excède donc toujours la limite supérieure (3,5 %) de la marge tolérée par la banque centrale autour de son objectif de 2,5 %.
La BNP est dirigée d'une main de fer par son président Adam Glapinski. Mais ce n'est un secret pour personne, la gestion est assurée conjointement avec le (tout) puissant parti de droite conservateur Droit et justice. À l'image de la BCE, la BNP prône depuis plusieurs années une politique monétaire extrêmement souple, qui s'ajoute à une politique budgétaire expansionniste. Cela fait plusieurs années que Glapinski soutient, sourire en coin, que le taux directeur ne serait pas rehaussé sous sa direction. Son mandat prendra fin au milieu de l'année prochaine. La vigueur de la reprise économique et les pressions inflationnistes persistantes risquent néanmoins de perturber ses plans. Récemment, il a d'ailleurs nuancé ses propos en ajoutant "à moins qu'une croissance forte et durable ne s'accompagne d'une pression inflationniste alimentée par la demande". Cela fait déjà quelque temps qu'une petite minorité du comité de politique plaide - sans succès- pour que le taux directeur de 0,10 % soit relevé de 10 ou 15 points de base. Le camp des faucons regroupe depuis peu la moitié des membres du comité de politique, mais la voix de Glapinski compte toujours double.
Le prochain rapport sur l'inflation, le 3 novembre, s'annonce d'ores et déjà crucial. Il est quasiment certain que les prévisions de croissance et d'inflation auront été revues à la hausse. Tout dépendra de la nature de l'inflation et de la durée pendant laquelle elle se maintiendra au-dessus du plafond de 3,5 %. Au cours des deux mois qui nous séparent de cette date, nous en saurons également plus sur les conséquences de la quatrième vague de coronavirus.
Le virage s'est amorcé sur le marché des changes. Depuis le début de l'année, le zloty avait sous-performé la couronne tchèque et le forint hongrois. Les deux autres banques centrales disposent des mêmes cartes que la NBP, mais elles suivent une stratégie différente. Elles ont en effet adopté une position orthodoxe vis-à-vis de l'inflation et ont commencé à relever leurs taux depuis juin. Ce différentiel de taux et les décisions peu orthodoxes des pouvoirs législatif et judiciaire polonais ont joué en défaveur du zloty. La paire EUR/PLN s'est à plusieurs reprises heurtée au niveau de résistance de 4,60. Après les chiffres de l'inflation de cette semaine, le zloty et les taux à court terme ont opté pour la fuite en avant. Le cours EUR/PLN tourne actuellement un peu au-dessus de 4,50. Si, lors de sa prochaine réunion de politique (8 septembre), la banque centrale modifie son discours en mettant l'accent sur les risques d'inflation, le prochain seuil se situera à 4,45. Le lancement effectif d'un cycle de resserrement monétaire ouvrira la voie vers le niveau de support crucial de EUR/PLN 4,38/4,37. Une combinaison des planchers de juin et août de l'année dernière et du retracement de 61 % sur la hausse du cours EUR/PLN entre début 2020 et mars 2021.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC