La Banque d’Angleterre parle de normalisation
Au cours de la dernière décennie, les banquiers centraux ont accordé une place de plus en plus importante à une stratégie de communication bien élaborée parmi leurs moyens d'action. Les termes simples de l’ancien président de la BCE, Jean-Claude Trichet, sont désormais bien loin. Aujourd’hui, les décideurs monétaires choisissent minutieusement leurs mots pour définir les orientations politiques des mois à venir et éviter les chocs sur les marchés financiers. La semaine dernière, la Banque d’Angleterre a plus rapidement que prévu mis un terme à la rhétorique utilisée depuis le début de la pandémie et a évoqué la nécessité d’une normalisation progressive de sa politique.
La réunion du mois d’août de la banque centrale britannique a également été marquée par la mise à jour du rapport de politique trimestriel. Ce sont surtout les nouvelles prévisions d’inflation qui ont marqué les esprits. La BoE s’attend à ce que l’inflation britannique culmine à 4 %, contre seulement 2,5 % en mai. L’inflation restera supérieure à l’objectif de 2 % pendant plus longtemps, mais ce phénomène est encore pour le moment qualifié de "temporaire". La BoE a en revanche radicalement changé de position en ce qui concerne le marché de l’emploi. Jusqu’à présent, le gouverneur Bailey et ses collègues voulaient surtout éviter que la pandémie n’entraîne un chômage massif. Depuis quelques mois, il est devenu clair que le chômage a atteint son pic et l'accent s'est donc déplacé sur le pourvoi des postes vacants. Tout comme aux États-Unis, il existe un risque de décalage entre l’offre et la demande sur le marché de l'emploi. La hausse de l’inflation pourrait donc revêtir un caractère plus permanent avec les augmentations des salaires, ce qui devrait inciter la BoE à relever plus rapidement son taux directeur.
Les développements économiques et les nouvelles prévisions ont poussé la banque à adopter une nouvelle ligne de communication. L’année dernière, toute normalisation de la politique était encore exclue vu qu'il restait de la marge au niveau de l’objectif d’inflation (inflation trop basse) et de l’élimination des capacités économiques excédentaires. Aujourd’hui, la BoE estime qu’une normalisation prudente pendant l’horizon de politique (3 ans) sera nécessaire afin d'atteindre durablement l’objectif d’inflation (inflation trop élevée).
La banque n'a en revanche encore donné aucune précision sur le timing de son premier resserrement. Le marché britannique des taux à court terme mise sur la fin du premier trimestre de 2022. Le gouverneur Bailey et ses collègues ont néanmoins donné un peu plus de détails sur le schéma de réduction progressive du portefeuille obligataire de la banque centrale. À la fin de l’année, celui-ci s'élèvera à 895 milliards de livres et les achats nets cesseront. Les fonds provenant des obligations arrivant à échéance seront encore utilisés pour de nouveaux achats, ce qui signifie que le portefeuille total restera stable. Si le taux directeur britannique (actuellement à 0,1 %) grimpe à 0,5 %, la Banque d’Angleterre arrêtera alors de réinvestir ces capitaux et un démantèlement naturel s'enclenchera. Auparavant, ce seuil s’élevait encore à 1,5 %. Ce seuil de 1,5 % constitue à présent pour la BoE le signal qu'elle devra commencer à vendre effectivement des obligations et donc accélérer la réduction de son portefeuille obligataire. La livre sterling a entendu le message de la banque centrale. La monnaie britannique s'est apprécicée et le cours EUR/GBP est passé de 0,8550 à 0,8470, son niveau le plus bas de l’année. Cela fait maintenant trois jours que ce niveau de support se trouve sous pression. Une rupture durable ouvrirait la voie vers le plancher de 2019 de 0,8277.
Mattias Van der Jeugt, salle des marchés KBC