La MNB joue cartes sur table.
Les banquiers centraux restent partagés quant au caractère temporaire ou non de l’inflation et/ou quant à la méthode à adopter pour la contrer. Pour l’instant, la Fed et la BCE n’estiment pas qu’il faille intervenir; Powell aura bientôt l’occasion de mettre éventuellement de nouveaux accents, mais nous y reviendrons demain. De son côté, la banque centrale hongroise (MNB) a annoncé la couleur hier.
Cela fait déjà quelque temps que la MNB a changé son fusil d’épaule. L’année dernière, le soutien à la croissance était une priorité. Cela a cependant fait retomber le forint à un plancher historique, au risque de causer une spirale inflationniste. À l’époque, la MNB a été “obligée”, probablement à contrecœur, d’apporter un soutien “technique” au taux d’intérêt de la devise, par le biais d’un taux de dépôt hebdomadaire plus élevé. Au fil de la reprise, l’attention de la MNB s’est portée sur la façon de retrouver sa crédibilité en matière d’inflation. Le mois dernier, elle a opéré un premier relèvement formel des taux, de 0,60% à 0,90%. La MNB a indiqué qu’il s’agissait du début d’un cycle de resserrement, jusqu’à ce que l’inflation revienne dans la zone cible de 3,0% ± 1,0%. Or elle a encore augmenté en juin, atteignant 5,3% en glissement annuel. Hier, ceux qui doutaient de l’engagement de la MNB ont reçu de sa part un message clair: le taux de base a de nouveau été relevé de 30 pb, alors que le marché tablait plutôt sur 15 pb. Ont également été relevés de 0,30% le taux de dépôt “overnight” (de -0,05% à 0,25%) et le taux d’emprunt (de 1,85% à 2,15%). Et ce n’est pas tout…
La reprise économique en Hongrie est en bonne voie. Pour cette année, la MNB prévoit une croissance de 6,0% et pour 2022 et 2023, elle table sur 5,5% et 3,5%. Les risques d’inflation restent orientés à la hausse: la MNB s’attend à ce que l’inflation ne retrouve la fourchette de tolérance qu’au début de l’année prochaine. Un plus un font deux: la MNB a indiqué que le marché pouvait s’attendre à un nouveau relèvement de 30 points de base en août. En septembre, elle disposera d’un rapport sur l’inflation et une première évaluation intermédiaire sera réalisée. S’il s’avère que le resserrement commence à avoir de l’effet, le rythme pourra être ralenti. Néanmoins, un taux directeur d’environ 2,0% à la fin de l’année est un scénario réaliste.
L’approche de la MNB est frappante et intéressante. Ces dernières années, la banque centrale hongroise était une alliée du gouvernement pour soutenir la croissance. A-t-elle donc fondamentalement changé? Nous n’en sommes pas si sûrs. Il se peut qu’elle évalue différemment les risques que l’inflation fait peser sur la croissance. Elle s’efforce donc de maîtriser rapidement l’inflation et les perspectives d’inflation avec une intervention énergique. Si cette tactique porte ses fruits, le cycle de relèvement pourra être ralenti, voire interrompu assez vite. À cet égard, la MNB reste notamment encore active sur le marché obligataire, même si le rythme des achats ralentira à mesure que la reprise économique se poursuivra. Dans une perspective un peu plus générale, il sera intéressant de voir qui rendra le meilleur service à la croissance à plus long terme: les banques centrales qui interviennent de manière “préventive”, comme la MNB ou la banque centrale tchèque, ou les banques centrales qui ne jurent que par la prolongation d’une politique ultra-souple, au risque d’aller trop loin? Ce qui nous ramènera tout à l’heure à la décision de politique de la Fed…
En attendant, revenons-en au forint. La devise est passée de EUR/HUF 362 à environ 359,50 aujourd’hui. Le forint aurait peut-être profité d’un cours supérieur, même si le sentiment général n’était pas vraiment au rendez-vous. L’approche énergique de la MNB devrait en principe fixer un plancher pour la devise hongroise. Si le sentiment à l’égard du risque se confirme, le cours EUR/HUF pourrait baisser dans la fourchette de 370/343, avec un premier soutien intermédiaire de EUR/HUF 350.