La BCE modifie ses intentions vis-à-vis des taux
La Banque centrale européenne a bouclé sa réflexion stratégique il y a quelques semaines. Avec, au centre de toutes les discussions, la reformulation de l'objectif d’inflation, de "en-dessous mais proche de 2 %" à un taux ferme et symétrique de 2 %. La présidente, Christine Lagarde, a expliqué que cela aurait des implications sur la communication relative à l’orientation future de la politique, ce que l'on appelle la "forward guidance" dans le jargon. Les conséquences allaient être déjà visibles après la réunion de politique de juillet (hier). Cela promettait donc une réunion passionnante en pleine période de trêve estivale.
Coupons directement court à tout suspense : rien de spectaculaire ne s'est produit hier. Le seul changement apporté à la "forward guidance" concerne le taux directeur. Trois conditions devront à présent être remplies en matière d'inflation pour que les taux soient relevés de leurs niveaux actuels (ou de niveaux encore plus bas). (1) elle doit atteindre 2 % bien avant la fin de l’horizon de politique (environ à la moitié, comme l'a précisé Lagarde par la suite), (2) elle doit se maintenir autour de ce niveau pendant le reste de l’horizon de politique et (3) la pression sur les prix sous-jacente doit être en accord avec 2 % d’inflation à moyen terme. La nouveauté réside dans la première condition. Celle-ci implique que l’inflation doit effectivement et durablement atteindre l’objectif. Pour Lagarde, la conclusion "plus bas pour (plus) longtemps" ne fait pas honneur à la nouvelle guidance, même si cela revient au même dans la pratique. Officiellement, il s’agit surtout pour la banque centrale de ne pas annoncer trop rapidement une normalisation. Détail intéressant : tout le monde n’était pas d’accord avec la nouvelle formulation. L’Allemagne a, comme à son habitude, marqué son opposition, mais elle a cette fois pu compter sur le soutien de... la Belgique !
L’explication concernant l’APP (20 milliards d’euros par mois, sans précision en termes de durée et de volume) et le PEPP (achats nets à un rythme accéléré au sein de l’enveloppe de 1 850 milliards d’euros jusque mars 2022 inclus) n’a pas changé. Cela est en soi logique, vu qu'il s’agit d’instruments théoriquement "temporaires" qui ne s'inscrivent pas dans la stratégie à long terme de la banque centrale. Pourtant, un entretien avec Lagarde il y a deux semaines avait donné lieu à pas mal de spéculations. La Française avait laissé entendre que le PEPP allait peut-être être maintenu sous une autre forme après mars 2022. Le marché attendait donc plus de précisions hier. Interrogée à ce sujet, Lagarde a tout de suite clos la discussion : le programme de crise n’a pas été abordé. Ce point est uniquement discuté lorsque des nouvelles prévisions de croissance et d’inflation sont disponibles.. Il faudra donc attendre septembre. Pour l’heure, Lagarde s'est contentée de dire que l’économie européenne suivait plus ou moins le scénario établi en juin. Les statistiques confirment un deuxième trimestre et un début de troisième trimestre vigoureux. Et le PMI de la confiance des entrepreneurs publié ce matin abonde dans le même sens. En juillet, l’indice général a atteint son niveau le plus élevé en plus de 20 ans (60,6), sous l’impulsion du secteur des services (60,4). Le variant delta, qui a encore provoqué une onde de choc sur les marchés au début de cette semaine, a à peine été évoqué pour la forme. À cet égard, il est d’ailleurs dommage que Lagarde n’ait pas été interrogée sur sa vision de la forte baisse des taux de ces dernières semaines. Ou les personnes présentes ont-elles peut-être considéré que cela allait mettre Lagarde sur un terrain glissant ? Sympathique, mais pas bon pour la dynamique de marché.
Les marchés sont en effet restés assez stoïques. Tant le cours EUR/USD que les taux européens (et américains) sont en ce moment avant tout influencés par le sentiment incertain à l’égard du risque. La confiance dans la croissance est en train de fléchir, comme en témoigne la réaction une nouvelle fois discrète après la publication de l'excellent PMI. La reprise de la confiance est un processus de longue haleine. À court terme et d’un point de vue technique, la situation paraît fragile. Le premier seuil pour le taux à 10 ans allemand (-0,40 %) se situe aux alentours de -0,30 %. Le cours EUR/USD, actuellement proche de 1,177, a tout intérêt à franchir rapidement le cap de 1,185 pour se libérer de la force d'attraction du seuil de 1,1704.