La RBA ne peut plus ignorer la réalité
L’économie australienne se porte très bien et mieux que prévu: c’est en un mot le message communiqué par la banque centrale australienne (RBA) ce matin. Pour une analyse plus détaillée et les conséquences sur la politique monétaire, voir ci-dessous.
À nouveau, la reprise surprend la RBA, dans le bon sens du terme. Au premier trimestre de cette année, la croissance a dépassé le niveau pré-crise. Par rapport au quatrième trimestre de 2019, le PIB australien est en hausse de 0,8%. La RBA se méfie des revers à court terme potentiels dus à la recrudescence du virus. Mais en général, elle est optimiste pour l’avenir. Le marché de l’emploi est également en forme: il y a maintenant plus d’Australiens au travail qu’avant la crise. En mai, le taux de chômage a dégringolé à son niveau le plus bas depuis décembre 2019 (5,1%) et ce, alors même que le taux de participation retrouve des sommets historiques. À cet égard, on peut se demander dans quelle mesure il peut encore augmenter. Autrement dit: l’offre pourra-t-elle continuer à suivre? Car vu la demande sans précédent des entreprises (le nombre d’offres d’emploi ne cesse de pulvériser des records) à mettre en regard avec une offre limitée (notamment en raison de la fermeture des frontières australiennes), le risque de déséquilibre est réel. Avec ses collègues, le gouverneur Lowe a déjà remarqué des hausses salariales sporadiques visant à convaincre les travailleurs potentiels. C’est un risque auquel la RBA est particulièrement attentive. Mais jusqu’à nouvel ordre, la pression générale sur les salaires est et reste probablement limitée. C’est l’une des principales raisons qui font que les prévisions d’inflation restent modestes: la RBA ignore le pic d’inflation de 3,5% attendu pour le trimestre précédent et table sur 2% à la mi-2023. L’objectif est de 2-3%. Dans ce scénario, la RBA pense maintenir son taux directeur à 0,1% au moins jusqu’en 2024.
Cependant, la banque centrale ne fait pas que “prendre acte”. Par exemple, elle ne prolonge pas la durée de l’obligation de référence à 3 ans d’avril à novembre. La RBA achète ou vend cette obligation de référence en fonction de son objectif pour le taux à 3 ans (0,1%). La banque estime que cette expérience de contrôle des taux ne doit pas durer plus longtemps qu’initialement prévu. Les marchés avaient anticipé cette évolution depuis début avril. Pourtant, le taux à trois ans a encore gagné près de 8 points de base ce matin. Les durées plus longues augmentent aussi de plusieurs points de base (3,5 à 4,5), soit le segment de la courbe sur lequel la RBA fait pression avec des mesures d’assouplissement quantitatif. La tranche actuelle de 100 milliards de dollars australiens a été épuisée début septembre. La RBA ne prévoit pas de nouveau montant fixe, mais ralentira le rythme de ses achats (4 milliards de dollars australiens par semaine au lieu de 5 milliards). Une évaluation approfondie suivra en novembre, selon les données disponibles d’ici là. Les marchés partent du principe que ces chiffres ne feront plus dévier la RBA de la voie d’une normalisation prudente.
La banque centrale australienne est la dernière en date à s’être (enfin) engagée sur cette voie. Son homologue néo-zélandaise l’a précédée en mai. La RBA a reporté cette décision, ce qui a fait s’aventurer le dollar australien sur un terrain plus glissant ces derniers mois. Aujourd’hui, elle ne peut plus ignorer la réalité économique. La devise en profite, mais avec modération: le cours AUD/USD a grimpé de son niveau de 0,753 et a brièvement testé le point de résistance de 0,76. Une petite remontée est toujours possible, par exemple au-dessus de la première zone de résistance dans la partie basse de 0,76. Mais pour cela, une faiblesse plus généralisée du dollar américain pourrait être nécessaire.