Le zloty mise sur un changement de cap de la banque centrale
Le zloty polonais a amorcé un mouvement de rattrapage sur la reprise que nous avions déjà notée du côté de la couronne tchèque, puis du côté du forint hongrois. Là encore, les facteurs à l’œuvre sont les mêmes: un taux de croissance attrayant, une inflation élevée et une banque centrale qui s’en inquiète enfin.
La banque centrale tchèque orthodoxe était le chef de file naturel du processus de normalisation. C’est ainsi que la semaine dernière, le gouverneur Rusnok a encore confirmé qu’un premier relèvement des taux aurait lieu en juin ou en août. La banque centrale hongroise (MNB) a quant à elle viré de bord en avril/mai, en mettant de plus en plus l’accent sur les risques inflationnistes: elle craint que la pression sur les prix ne devienne en partie structurelle. La MNB prépare un relèvement des taux – peut-être déjà pour juin –, mais dissocie la politique monétaire de ses achats d’obligations, qui restent d’actualité.
Jusqu’à récemment, la banque centrale polonaise (NBP) appuyait diligemment sur l’accélérateur, avec une politique de taux d’intérêt inconditionnellement faibles doublée d’achats d’obligations et même d’interventions sur les taux de change. Dans un avis émis plus tôt cette année, la NBP avait tempéré les perspectives d’un zloty faible. Plus récemment, les chiffres économiques l’ont prise de court, suscitant l’inquiétude parmi les banques centrales autrement unanimes. La semaine dernière, le bureau de statistique national polonais a fait état d’une légère révision à la hausse du PIB au premier trimestre (1,1% en glissement trimestriel). Et hier, contre toute attente, l’indice PMI de confiance des entrepreneurs dans l’industrie manufacturière a grimpé de 53,7 à 57,2. À l’instar d’autres statistiques, le PMI pointe donc dans la direction d’une forte accélération de la croissance au deuxième trimestre. Enfin, au mois de mai, l’inflation polonaise est passée de 4,3% en glissement annuel à 4,8%, soit largement au-dessus de l’objectif de 2,5% de la NBP, même compte tenu de l’écart autorisé de 1%. Bien que l’inflation polonaise ait probablement atteint un pic, elle restera supérieure à la barre des 3,5% pour le restant de l’année.
La publication de ces chiffres a aussitôt été suivie de commentaires de la part de Lukasz Hardt, un membre du conseil de la NBP. Celui-ci estime que la banque centrale devrait envisager un relèvement des taux de 15 points de base dès le mois de juin, pour contrer les risques inflationnistes. Au début du mois, ses collègues Zyzynski et Gatnar ont abondé en ce sens. Tous trois évoquent un ou plusieurs relèvements symboliques plutôt que le début d’un cycle de resserrement. Nous ne nous attendons cependant pas à ce que la NBP passe à l’action la semaine prochaine: le noyau dur autour du président Glapinski préconise toujours un premier relèvement des taux… au second semestre de 2022. En outre, Glapinski souhaite d’abord mettre un terme aux achats d’obligations – qui ont déjà discrètement été réduits cette année. Ce sera peut-être le premier pas que la NBP sautera pour de bon. Quoi qu’il en soit, le zloty polonais prend déjà de l’avance sur un éventuel virage à 180° de la NBP. Le cours EUR/PLN est tombé sous la zone de support de 4,47 et est plus fort qu’il ne l’a été depuis fin 2020. Si la rupture persiste, la zone EUR/PLN 4,37/4,38 (mouvement de reprise de 62% sur la hausse du cours EUR/PLN de 2020/2021 et des planchers de juin/septembre 2020) se profilera à l’horizon.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC