Le yuan en plein essor
Ce matin, la Chine a publié ses indicateurs de confiance PMI officiels. À première vue, la reprise reste sur la bonne voie: l’indicateur général est passé de 53,8 à 54,2. La Chine a été à la pointe de la relance et a profité d’une forte demande des consommateurs occidentaux, qui ont adapté leurs dépenses au contexte du coronavirus. À présent, la Chine est déjà entrée dans la phase suivante. Le secteur des services est maintenant le principal moteur de la croissance. Cet indicateur s’est accéléré, passant de 54,9 à 55,2, tandis que l’industrie manufacturière stagne à 51. En soi, cette rotation est logique et souhaitable. Quelques remarques s’imposent néanmoins. Les commandes à l’exportation se sont légèrement contractées, de même que l’emploi. Les prix continuent cependant à grimper fortement. Par rapport aux États-Unis ou à l’Europe, la Chine se trouve à un autre stade du cycle économique; ne perdons néanmoins pas de vue ces évolutions lors de la publication des ISM et des données du marché de l’emploi aux États-Unis cette semaine. Pour les banques centrales (comme pour les marchés), il serait désagréable que la croissance atteigne un plateau (voire ralentisse) en raison de développements sur lesquels elles n’ont guère de prise, comme la lenteur du retour des effectifs sur le marché de l’emploi, des perturbations dans les chaînes d’approvisionnement ou des facteurs résultant (in)directement d’une politique monétaire ultra-souple – tels que les prix élevés des matières premières. À cet égard, la Chine a récemment pris des mesures pour freiner la spéculation et/ou la constitution inutile de stocks de matières premières. Une énième indication que la politique extrêmement stimulante a ses limites et crée peu à peu des effets secondaires indésirables. Affaire à suivre…
Revenons-en à la Chine et au yuan, qui connaît une belle ascension. Le cours USD/CNY est passé de 6,5750 fin mars à 6,36, soit une hausse de 3,25%. Ce mouvement s’explique en partie par la faiblesse du dollar. Cependant, le renminbi pondéré des échanges commerciaux (indice CFETS) est également en hausse. Un yuan vigoureux, donc. Depuis longtemps, la Chine déclare qu’elle souhaite que le marché joue un rôle plus important dans la valorisation du yuan. Nous partons néanmoins du principe que l’évolution a implicitement l’aval des autorités et de la banque centrale (PBOC). De fait, la Chine est à l’avant-garde du cycle économique et monétaire et veut éviter la surchauffe, que ce soit sur le plan des prix des matières premières, de l’octroi de crédit ou d’autres risques pour la stabilité financière. Les chiffres des exportations ont récemment été un peu moins exubérants, mais le yuan ne pose pas encore de problème à cet égard.
Au niveau du cadre monétaire plus large, la Chine réduit également la compression monétaire (la baisse artificielle des taux obligataires, par exemple via l’assouplissement quantitatif). Les taux réels sont restés plus élevés en Chine qu’aux États-Unis ou en Europe, ce qui rend le yuan attrayant: à titre d’illustration, le taux d’intérêt à 10 ans des obligations CNY s’élève à plus de 3%. En résumé, une longueur d’avance cyclique et une politique monétaire relativement plus stricte jouent en faveur du yuan. Les autorités chinoises (y compris la PBOC) tiennent à la stabilité et à une approche progressive. Ces derniers jours, les premiers avertissements ont ainsi été émis contre le risque d’une tendance spéculative à sens unique. Or jusqu’à présent, le marché fait la sourde oreille. Le yuan est à son niveau le plus élevé (par rapport au dollar) depuis mai 2018. Un ralentissement? Oui, mais dans un contexte de faiblesse généralisée de l’USD, le CNY reste fort. Le cours USD/CNY 6,24 (le point le plus bas de 2018) est le prochain point de référence sur les graphiques techniques. Même vis-à-vis de l’euro, le yuan se porte bien: à cet égard, le cours EUR/CNY 7,68 constitue le premier soutien (résistance pour le yuan), même si cette paire demeure dans une large mesure tributaire de la tendance générale du dollar (EUR/USD).