Rapport de la BCE sur la stabilité financière noir avec un soupçon de vert
Dans son rapport semestriel sur la stabilité financière dans la zone euro, la BCE met en garde contre des risques systémiques liés à la pandémie. Si la BCE se montre optimiste quant à l'amélioration de la situation économique et financière, elle pointe également les répercussions macroéconomiques qu'aura la crise. Et celles-ci n'auront rien d'insignifiant. Selon la BCE, ce sont surtout la hausse des ratios d’endettement et l’affaiblissement des bilans des entreprises non financières qui risquent de menacer la stabilité financière. Si l'on intervient pas à temps, les tensions financières et la volatilité risquent de rendre la reprise économique plus difficile. Dans ce contexte, la BCE s'inquiète également de "l'exubérance remarquable" des marchés d’actions.
La BCE souligne notamment la forte augmentation de la dette publique - principalement due aux mesures de soutien prises pendant la crise. La dette publique dans la zone euro a grimpé d’environ 86 % à 100 % du PIB de la zone. Et la BCE s’attend également à une nouvelle hausse en 2021 suite aux vagues de la pandémie durant l'hiver. Les gouvernements ont profité au maximum des conditions de financement favorables pour allonger la durée de la dette et réduire les charges de remboursement, limitant ainsi la vulnérabilité sur le court terme. Selon la BCE, les niveaux d’endettement continueront, à moyen terme, d'hypothéquer la normalisation de la politique budgétaire, surtout dans les pays les plus endettés. En cas de regain d'incertitude quant à la soutenabilité de la dette, ceux-ci seraient en effet contraints de poursuivre leur politique de soutien afin de mettre un terme à ce que l’on appelle l'"adverse sovereign-bank-corporate nexus". Avec un ratio d’endettement total (pouvoirs publics et secteur privé non financier) de plus de 330% du PIB, la Belgique fait partie des pays fortement endettés (voir le graphique). Cela s'explique en partie par le financement intragroupe étranger.
La BCE a également exprimé ses inquiétudes face à l’augmentation de la dette des entreprises et à l’affaiblissement des bilans. Cette augmentation de la dette concerne surtout les entreprises affichant un levier ("leverage", rapport dette/fonds propres) élevé. Les entreprises affichant le ratio de levier (10%) le plus élevé ont vu celui-ci poursuivre sa progression, passant de 220% fin 2019 à plus de 270% fin 2020. La BCE insiste dès lors sur la nécessité du maintien d'un soutien ciblé afin d'aider les entreprises viables à survivre à la crise. Dans ce contexte, le vice-président Luis De Guindos a confirmé qu'il fallait garder des conditions de financement souples et que toute éventuelle réduction des stimulus monétaires devrait se faire progressivement, de manière très prudente et en ligne avec la reprise économique.
Par ailleurs, la BCE souligne également les risques financiers systémiques potentiels liés au changement climatique. La nouvelle analyse de la BCE pointe à la fois les risques de transition - les risques liés à la transition vers une économie durable - et les risques "physiques" directs - les dommages directs dus au changement climatique. Ces risques climatiques sont concentrés dans certains sous-secteurs financiers, certaines régions ou certaines institutions individuelles et pourraient avoir des effets systémiques. D'après la BCE, le secteur financier a un rôle important à jouer dans la transition vers une économie durable. Les prochains mois seront très importants dans ce contexte. D'ici la fin juin, la Commission européenne formulera un certain nombre de propositions concernant le Green Deal et la transition vers une économie plus durable. La réunion préparatoire du Conseil de cette semaine montre qu’il reste du pain sur la planche pour que tout le monde regarde dans la même direction et pour obtenir la sécurité (juridique) nécessaire en vue d'un équilibre budgétaire structurel.