Les taux européens continuent sur leur lancée
Qu’ont en commun Superman et la patronne de la BCE, Christine Lagarde ? (...) Que dites-vous ? Ils se sentent tous les deux souvent seuls et incompris ? Osé, mais ce n'est pas la réponse que j'attendais. (...) Oui, Monsieur ? (...) Ce sont tous les deux des héros costumés ! (...) Je vais à nouveau devoir m’abstenir de tout commentaire. (...) Quelqu’un d'autre ? (...) Non ? (...) Aucun des deux ne peut se passer de sa ou son Lane ! (trouvé moi-même). Après avoir passé une journée à combattre les méchants, l’homme d’acier va toujours trouver du réconfort auprès de sa comparse, Lois. De même, la chouette sage a besoin des analyses et des avis de son économiste en chef, Philip, pour mener à bien le processus de décision monétaire.
Le Lane de la BCE est plus qu’un économiste en chef. Il est l’éminence grise de la banque centrale et l’architecte de la politique monétaire exceptionnellement souple actuellement menée. Cette colombe monétaire entend également jouer le rôle de conscience morale vis-à-vis du monde extérieur. Auprès de la jeune génération, il passe pour un véritable rabat-joie. Lane préférera stimuler un peu trop que pas assez, craint toujours les risques économiques baissiers et n'attend jusqu’à présent rien de l’inflation, la kryptonite de la banque centrale. Quand Lane parle, c’est toujours pour mettre en garde et calmer les ardeurs. Oui, les chiffres sont meilleurs, mais... Oui, les campagnes de vaccination ont démarré, mais... Il a toujours la petite phrase assassine.
Hier, en zappant, nous avons donc été particulièrement surpris. À la télévision suédoise, notre Irlandais polyglotte a déclaré que nous étions face à un « ömschlägpünkt ». Même si nous ne maîtrisons pas vraiment la langiue d'Ikea, nous avons rapidement compris la valeur symbolique de ce mot. Le dernier des Mohicans donne sa bénédiction à la reprise économique. Nous sommes arrivés à un tournant. Les mesures visant à limiter la propagation du virus ont dominé les premiers mois de l’année, mais pour le mois de mai, l’été et, par extension, le reste de l’année, les perspectives semblent particulièrement encourageantes. Le message en lui-même n'a rien d'extraordinaire, mais c’est surtout la personne qui l’a délivré qui lui donne un sens bien particulier.
Comme s’ils avaient pu pressentir le vent du changement, les taux d’intérêt à long terme européens avaient déjà franchi de premiers niveaux de résistance avant l’interview événement. Le taux swap européen à 10 ans et le taux allemand à 10 ans ont atteint de nouveaux sommets. Tous deux ont dans le viseur un niveau de résistance crucial, autour de respectivement 0,21 %/0,23 % et -0,15 %/-0,14 %. Il s’agit d’une combinaison des sommets de 2020, du précédent plancher record de 2016 et du niveau de reprise de 38 % de la baisse des taux entre 2018 et 2020. Une rupture au-dessus de cette zone revêt une forte valeur technique et doit être portée par des changements fondamentaux. Le passage à une normalisation prudente de la politique - initiée par notre ami Lane - et/ou la relance économique sont deux possibilités.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC