Banque du Canada en pole position
La banque centrale canadienne (BoC) joint le geste à la parole, en devenant la première grande banque centrale à s’engager sur la voie d’une normalisation prudente de sa politique. Elle a décidé de réduire le rythme de ses achats hebdomadaires d’obligations d’au moins 4 milliards de dollars canadiens à 3 milliards. Si la croissance évolue comme le prévoit la banque (ou mieux), celle-ci diminuera encore davantage ses achats nets dans les prochains mois.
Le gouverneur de la BoC, Tiff Macklem, est un homme heureux. L’économie canadienne a montré encore plus de résilience que ce à quoi la banque centrale s'attendait en janvier. Les ménages et entreprises canadiens se sont adaptés plus facilement à leur deuxième vie de confinement. En outre, les voisins américains ont donné un coup de pouce bienvenu. La BoC a relevé ses prévisions de croissance à 6,5% pour cette année. En 2022 et 2023, la croissance devrait reprendre un rythme plus naturel de respectivement 3,75% et 3,25%. Dans leur analyse détaillée, Macklem et ses collègues évoquent une reprise largement soutenue. L'avancée de la campagne de vaccination devrait donner le coup d’envoi d’un mouvement de rattrapage au niveau de la consommation. Une reprise de la croissance mondiale et une hausse des prix des matières premières - important pour l’économie canadienne - sont autant d’éléments qui aideront les exportations. Les autorités nationales et locales apportent aussi leur pierre à l'édifice via leurs mesures de relance budgétaires. Dans ce contexte, les entreprises feront le plein de confiance nécessaire pour réaliser leurs investissements qui avaient été différés.
Concernant l’inflation, la BoC ne fait pas vraiment preuve d’originalité. À l'instar des autres banques centrales, elle est convaincue que la pression sur les prix (effets de base) ne dépassera que temporairement l’objectif de 2%. Cela n'a rien de catastrophique pour la Banque du Canada, qui applique une marge de tolérance de 1% autour de cet objectif. À partir du second semestre, l’inflation pourrait à nouveau ralentir pour s’établir durablement autour de l’objectif de 2% un an plus tard. À ce moment-là, la BoC estime que l’actuelle sous-utilisation des ressources ("slack") aura été résorbée. D’ici là, l'économie peut théoriquement continuer à croître sans générer de pression supplémentaire sur les prix.
Cela fait déjà quelque temps que la BoC accorde une place centrale à cette notion de capacités inutilisées dans ses déclarations. Elle lie directement la résorption de cette sous-utilisation à la possibilité d'un premier relèvement de taux. Hier, la banque a estimé, sur la base de l'amélioration des perspectives économiques, que les capacités inutilisées pourraient être résorbées en fin 2022, et non plus dans le courant de 2023 comme prévu auparavant. Le message n’est pas passé inaperçu sur le marché. Bien que la BoC s'était déjà, de par ses déclarations, rangée parmi les pionniers de la normalisation et que cela était déjà d'une manière ou d'une autre intégré dans les cours, le dollar et les taux canadiens ont tout de même encore gagné du terrain après la réunion. Le cours USD/CAD est ainsi passé de 1,2625 à 1,25. Dans le contexte actuel, on peut s'attendre à ce que ce mouvement baissier de la paire de devises (dollar américain plus faible et dollar canadien plus fort) se poursuive. Depuis la rupture sous la barre de 1,30 aux alentours du nouvel an, la voie vers le plancher de 2017 de 1,2062 est ouverte.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC