Le cours EUR/USD et les taux d’intérêt à des niveaux importants
Les taux américains (à long terme) et le dollar en sont à des niveaux de support cruciaux. Les taux américains à 10 ans et à 30 ans testent des niveaux respectifs de 1,6% et 2,3%. Toute rupture en deçà présente un potentiel de correction supplémentaire de 15 à 20 points de base. Les taux d’intérêt à très long terme sont sortis de leur canal haussier particulièrement raide depuis le début de l’année et les taux à 10 ans suivront bientôt le même chemin. Sur la base pondérée des échanges commerciaux, le billet vert a atteint son niveau le plus bas depuis la mi-mars. Le cours EUR/USD teste à son tour le niveau de résistance de 1,1992.
Pour le marché des taux, les vacances de Pâques se sont traduites par une pause dans la reflation. Cette semaine, la réaction des marchés aux chiffres de l’inflation américaine a été éloquente: l’amélioration des prévisions de croissance et d’inflation a poussé les taux à la hausse au premier trimestre. La première vraie confirmation des chiffres de l’inflation (2,6% en glissement annuel) a fait baisser les taux américains à long terme. Pour l’instant, le marché est satisfait de la hausse de l’inflation et surtout de la ligne de conduite de la Fed, qui considère que cette évolution est temporaire et ne prévoit pas de mesures. L’avidité avec laquelle les investisseurs ont accueilli l’adjudication des emprunts d’État américains cette semaine étaye le scénario d’une atmosphère apaisée/consolidante sur le marché des taux à court terme. L’épreuve de vérité suivra cet après-midi: en principe, les statistiques américaines apporteront leur lot de bonnes nouvelles (p. ex., au niveau des ventes au détail), mais nous doutons que cela suffise à relancer le rallye des taux. En ce début de mois, les indicateurs ISM et les payrolls robustes n’y sont pas parvenus. Enfin, les bourses américaines envoient les premiers signaux techniques potentiellement annonciateurs d’une correction imminente. Un climat de risque moins favorable pourrait contribuer à juguler l’évolution du marché des taux américain.
Sur le marché des changes, le dollar est en phase de correction depuis le début du mois. À cet égard, la pause généralisée des taux joue un rôle prépondérant. Pour l’instant, la hausse du différentiel EUR/USD exprime surtout une faiblesse du dollar plutôt qu’un comeback de l’euro, comme en atteste la performance de la monnaie unique vis-à-vis du yen japonais ou de la livre britannique. Or par rapport à la semaine dernière, la devise européenne est en bien meilleure posture. L’écart entre l’Europe et les États-Unis au niveau du rythme de vaccination et des mesures de restriction a peut-être atteint son paroxysme. La campagne de vaccination européenne tourne enfin à plein régime, ce qui laisse entrevoir un déconfinement. Le marché des taux européen émet un premier signal en ce sens: le taux allemand à 10 ans teste la zone de résistance de -0,25% et rompt avec la correction baissière des taux aux États-Unis. En outre, les détails laissent entrevoir que la hausse des taux est surtout due à des taux réels supérieurs. En Europe, ceux-ci ont atteint de nouveaux planchers en mars, mais une stabilisation s’annonce. Soutenu par des taux réels plus élevés, l’euro pourrait tirer sa force de la faiblesse du dollar dans la reprise du cours EUR/USD. En effet, des ruptures persistantes au-dessus de 1,1990 (EUR/USD), 0,87 (EUR/GBP) ou 130,69 (EUR/JPY) signalent que l’euro commence à jouer dans la cour des autres grandes devises.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC