Combien de bonnes nouvelles sont intégrées dans la livre?
La livre sterling fait jusqu' à présent partie des bonnes surprises de 2021. À la fin de l'année dernière, la monnaie britannique avait timidement réagi à l'accord sur le Brexit. Dans la pratique, les échanges entre l'UE et le Royaume-Uni sont restés compliqués. Les conséquences économiques du confinement imposé au Royaume-Uni après les fêtes de fin d'année ont vraisemblablement également pesé sur l'économie du pays au début de cette année, après une année déjà difficile (y compris par rapport à l'UE). Depuis la mi-janvier, le scénario s'est toutefois inversé en faveur de la livre. La devise britannique est l'une des rares à avoir suivi la remontée du dollar. Comment expliquer cette évolution ?
Malgré une réaction initiale timide, l'accord trouvé sur le Brexit signifie un important risque en moins pour la monnaie britannique.. Reste à savoir si cette autonomie retrouvée bénéficiera, à terme, à l'économie britannique. À court terme, il ne s'agit toutefois pas d'un facteur déterminant pour la livre. Depuis la mi-janvier, le marché est particulièrement attentif à l'évolution des campagnes de vaccination au Royaume-Uni d'une part et dans l'UE d'autre part. À l'image de la campagne de vaccination outre-Manche, la livre sterling est aussi passée à la vitesse supérieure. Le cours EUR/GBP est passé sous la barre de 0,90.
Le mix de politiques budgétaire et monétaire est également vu comme positif pour la livre par le marché. Lors de sa réunion de politique du 4 février, la Banque d'Angleterre (BoE) a toutefois demandé au secteur financier de se préparer à l'éventuelle introduction d'un taux directeur négatif. La Banque d'Angleterre a voulu, quoiqu'il arrive, ajouter cette possibilité à son arsenal politique. Mais les prévisions qu'elle a en même temps publiées rendent cette option principalement théorique. Avec une croissance de 5% cette année et de 7,25% l'année prochaine et une inflation qui se maintiendrait autour de 2% à partir du milieu de l'année, le marché est arrivé à la conclusion que la prochaine intervention de la BoE serait probablement un resserrement. Normalement, le marché des changes est surtout sensible à une hausse des taux à court terme, mais le net repositionnement sur la partie longue de la courbe britannique en raison du "reflation trade" généralisé a également contribué au sentiment positif vis-à-vis de la livre. D'un point de vue technique, la situation de la livre s'est améliorée grâce au recul sous 0,8752 (62% retr).
La semaine dernière, le ministre des Finances britannique, Rishi Sunak, a également présenté le budget pour 2021/22. Nous considérons celui-ci comme plutôt neutre pour la devise britannique. Le gouvernement britannique procèdera à court terme à une nouvelle injection budgétaire, tant pour les citoyens que pour les entreprises (prolongation du chômage temporaire, aide à l'investissement). Mais à partir de l'année prochaine, tant l'impôt des sociétés que l'impôt sur les revenus des particuliers seront relevés. L'injection budgétaire à court terme permettra à la BoE de continuer à temporiser. En attendant, le cours EUR/GBP teste le prochain niveau de support de 0,8570/0,8541. D'un point de vue purement technique, une rupture ouvrirait la voie à un retour au plancher de mars (0,8282).
D'un point de vue économique, nous pensons que la livre commence doucement à avoir suffisamment intégré les bonnes nouvelles. Comme les États-Unis, le Royaume-Uni souffre d'un double déficit ("twin deficit") considérable. Dans un contexte d'inflation plus élevée, cela joue en principe au détriment de la devise. La consolidation budgétaire qui sera entamée à partir de l'année prochaine pourrait également inciter la BoE à maintenir sa politique accommodante plus longtemps. À cet égard, nous attendons de voir dans quelle mesure la BoE ajustera ou non son discours lors de sa réunion du 18 mars. Plusieurs gouverneurs de la banque, dont le président Bailey, se sont récemment montrés un peu plus réservés dans leurs commentaires, en mettant davantage l'accent sur la situation toujours précaire sur le marché de l'emploi. Si ce thème fait l'objet d'une attention accrue le 18 mars, cela pourrait alors progressivement se répercuter sur la performance de la livre.