Une BCE scindée en deux

Les marchés

La Banque centrale européenne est partagée entre deux sentiments. C'est ce qui ressort de la conférence de presse qu'a donnée son président Mario Draghi hier. Dans un moment rare de franchise, l'Italien a admis à demi-mot que les responsables de la banque n'étaient pas tous sur la même longueur d'onde. L'objet de la discorde? Le ralentissement de la croissance dans l'UEM. Personne ne nie la réalité - deux trimestres décevants d'affilée -, mais les avis divergent sur les conclusions que l'on peut en tirer.

Le premier camp regroupe les gouverneurs qui s'en tiennent au raisonnement de l'année passée. Ces derniers estiment que l'inflation de base sous-jacente, qui ne tient pas compte des composantes volatiles comme l'alimentation ou l'énergie, augmentera en direction de l'objectif de 2% de la BCE dans la zone euro. Ce qui justifie un démarrage progressif du processus de normalisation de la politique. Pour le moment, l'inflation de base tourne toujours autour de 1% en glissement annuel. Ces membres de la banque centrale pointent la pression à la hausse sur les salaires dans la plupart des pays de l'UEM, la politique extrêmement souple menée par la BCE et la performance de croissance exceptionnelle de l'UEM entre 2015 et mi-2018. L'écart de production ("output gap") est proche du niveau auquel l'économie ne peut plus croître sans créer de l'inflation. Les partisans de cette ligne au sein de la banque pensent que le ralentissement ne durera pas. Ils tablent sur un règlement définitif du conflit commercial opposant les États-Unis à la Chine, des autorités chinoises qui vont mettre tout en œuvre pour soutenir la croissance intérieure, un redressement de l'industrie automobile allemande, un essoufflement du mouvement des gilets jaunes... Par facilité, nous les appellerons les optimistes.

L'autre moitié des gouverneurs voit l'avenir d'un œil moins favorable. Ils craignent que les dégâts occasionnés ne deviennent permanents. Le moral des consommateurs et des investisseurs a été touché et les problèmes internationaux ne se résolvent pas en deux coups de cuillère à pot. La plupart des derniers indicateurs PMI de confiance des entreprises leur donnent pour le moment raison. La principale mesure pour la zone euro s'est, contre toute attente, repliée de 51,1 à 50,7. À l'exception d'un rebond isolé, cet indicateur n'a pas cessé de baisser depuis décembre 2017, se rapprochant ainsi de la barre psychologique des 50 points qui marque la frontière entre croissance et contraction économique.

Les deux camps ont apporté leur touche dans le communiqué de presse. La vision optimiste d'une pression haussière sur l'inflation sous-jacente a été retenue, tandis que les risques au niveau des perspectives économiques ont été ajustés. La BCE qualifie désormais ces risques de "baissiers" au lieu de "équilibrés". En cas de nouvelle détérioration, la voie est donc toute tracée pour une diminution des prévisions de croissance et d'inflation en mars. Dans un tel scénario, l'étape logique suivante sera une adaptation de la communication autour du taux directeur. Depuis juin de l'année passée, la banque laisse entendre que celui-ci ne sera pas relevé avant la fin de l'été. Si l'économie ne montre pas de signes d'amélioration, cette date butoir pourrait être reportée à la fin de l'année, par exemple.

Nous n'en sommes pas encore là et Draghi ne cesse de répéter que la BCE entend maintenant récolter autant d'informations que possible. Le fait, qui mérite d'être souligné, qu'il ait admis l'existence de dissensions au sein de la BCE montre néanmoins que la banque centrale devra choisir son camp le 7 mars. Le marché a depuis longtemps choisi le camp des pessimistes et ne s'attend pas à un relèvement de taux avant fin 2020. Pour notre part, nous nous rangeons toujours du côté des optimistes, même si nous commençons à nous poser quelques questions. En 2015, dans des circonstances similaires, la banque centrale américaine avait décidé d'intervenir. Après plusieurs années de reprise, elle avait estimé que les bases de l'économie étaient devenues suffisamment solides pour supporter une hausse des taux. L'Europe se trouve aujourd'hui dans la même situation.
 

Figure - Courbe des forwards sur l'Euribor à trois mois: le marché ne s'attend à un taux Euribor à trois mois positif qu'au milieu de 2021!

Source: Bloomberg

Disclaimer:

Ce document a été préparé par le desk KBC – Economic Markets et n'a pas été rédigé par le département Research.  Le desk est composé de Mathias Van der Jeugt, Peter Wuyts en Mathias Janssens, analysts  à KBC Bank N.V., entreprise réglementée par l'Autorité des marchés et des services financiers (FSMA). Ces recommandations de marché sont le résultat d'une analyse qualitative, dans laquelle il y a place pour l'expérience passée et les évaluations personnelles. Les avis sont basés sur les conditions actuelles du marché et peuvent être modifiés à tout moment. Les contributions les plus importantes proviennent de données accessibles au public, de nouvelles financières, de la politique économique et monétaire et d'analyses techniques actuelles. Le desk desk KBC – Economic Markets a fait des efforts raisonnables pour obtenir ces informations de sources qu'il considère comme fiables, mais le contenu de ce document a été préparé sans faire une analyse substantielle de ces sources. Aucune évaluation n'a été faite pour déterminer si ces informations sont appropriées ou non pour un investisseur particulier. Les avis sont nos avis actuels à la date indiquée sur ce document et peuvent différer des recommandations précédentes en raison de l'évolution des conditions du marché. Les auteurs ne garantissent pas l'exactitude, l'exhaustivité ou la valeur (commerciale ou autre) de ce document. De même, les auteurs ne sont pas responsables envers quiconque reçoit ce résumé de toute perte ou dommage (qu'il s'agisse d'un délit (y compris la négligence), d'une rupture de contrat, d'une violation de la loi ou d'autres obligations) résultant d'un acte ou d'une omission sur la base de ce contenu, ou de toute réclamation contre les auteurs concernant le contenu ou les informations contenues dans ce document. Toutes les opinions exprimées dans le présent document reflètent le jugement au moment de la préparation de l'examen et sont susceptibles d'être modifiées sans préavis. Étant donné la nature de cet avis (lié à la monnaie et aux taux d'intérêt), il n'est généralement pas de nature spécifique.   Il n'y a donc aucune référence à un quelconque contrat de financement d'entreprise et il n'y a donc pas de vue d'ensemble sur 12 mois basée sur les différents avis. Ce document n'est valable que pour une période très limitée, en raison de l'évolution rapide des conditions du marché.

Publications liées

Le patron de la NBP change son fusil d’épaule

Le patron de la NBP change son fusil d’épaule

La livre sterling rejoint les autres

La livre sterling rejoint les autres

Inflation inférieure à 2%: la BCE capitulera-t-elle?

Inflation inférieure à 2%: la BCE capitulera-t-elle?

Powell: il y en a pour tous les goûts

Powell: il y en a pour tous les goûts