Les prix des matières premières explosent
Dans le scénario de reflation global, nous évoquons régulièrement le rallye sur les marchés des matières premières. Le prix du pétrole est souvent le plus visible. Depuis début novembre, le cours du baril de Brent est passé de 36 dollars à 63 dollars, son plus haut depuis janvier dernier. Cette hausse s’explique, du côté de la demande, par l’espoir d’une reprise mondiale à partir du second semestre et, du côté de l’offre, par le fait que les pays de l’OPEP+ n’ont, sous la houlette de l’Arabie saoudite, pas encore rouvert complètement leurs vannes. Entre-temps, les prix sur les marchés du pétrole et du gaz ont aussi été poussés à la hausse par le passage du le vortex polaire.
Le rallye ne touche cependant pas uniquement l’or noir. Un petit tour d’horizon des métaux montre que l’aluminium, le nickel et le cuivre ont atteint leur niveau le plus élevé depuis respectivement octobre 2018, septembre 2014 et l’été 2012. Le minerai de fer se rapproche quant à lui de ses récents sommets, qui sont également des niveaux qui n'avaient plus été atteints depuis plusieurs années. Les prix des métaux ont le vent en poupe grâce à la résistance des exportations de l'industrie manufacturière. Celles-ci sont restées à niveau pendant le deuxième confinement. Il est certain que la Chine a en grande partie été épargnée. La combinaison entre les perturbations dans les chaînes de production et de transport internationales, la reprise de la production et la reconstitution des stocks entraîne une explosion des prix. Les niveaux très élevés des composantes des prix à la production des PMI et ISM en sont la parfaite illustration. Le constat est le même pour les métaux précieux et rares. La combinaison des confinements locaux et d'une demande de production élevée a poussé le platine à son niveau le plus élevé depuis 2014. Le rhodium - très prisé dans le secteur automobile pour satisfaire aux normes d'émission - est un autre exemple. Le palladium, le métal préféré du big tech, avait déjà atteint des niveaux records l'année dernière. En ce qui concerne les métaux très rares, la Chine, qui est le plus grand producteur au monde, envisage de limiter les exportations d'un point de vue stratégique.
L'évolution est la même du côté des matières premières agricoles. L'indice global FAO (Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) est en hausse depuis huit mois d'affilée. En janvier, il a atteint sa valeur moyenne la plus élevée depuis juillet 2014. Les détails témoignent surtout d'une hausse des huiles végétales, des céréales et des produits laitiers. Outre le confinement, l'ONU pointe également les aléas du climat et leur impact sur les récoltes.
À la lecture de ce qui précède, une chose paraît claire : ce n'est probablement qu'une question de temps avant que ces tendances ne se répercutent sur l'inflation. L'avenir proche nous dira si ce sont surtout les facteurs de l'offre ou ceux de la demande qui influencent les prix. Dans le second cas, les banquiers centraux se trouveront alors face à un problème. Ils risqueront alors de devoir normaliser leur politique accommodante en raison d'une mauvaise inflation. L'inflation consécutive à l'augmentation de la demande pourrait quant à elle signifier un phénomène de consommation différée. Dans un scénario idéal, la reprise de la croissance et la pression à la hausse sur les prix (à la consommation) vont de pair avec une hausse des salaires. Dans le cas contraire, l'inflation risque, dans de nombreux cas, de rogner à terme sur les revenus disponibles et les banquiers centraux seront alors de nouveau confrontés à des problèmes. Cette situation profite pour le moment aux devises liées aux matières premières comme le dollar australien, le dollar canadien ou la couronne norvégienne. Ces dernières ont atteint de nouveaux plus hauts depuis le début de la reprise.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC