À payrolls faibles, stimulus en vue!
Vendredi dernier, l’attention des investisseurs se portait sur le rapport américain sur le marché de l’emploi. Rappelons qu’en décembre, les restrictions (locales) liées au coronavirus avaient fait dégringoler l’emploi de manière inattendue, surtout dans le secteur des loisirs et de l’horeca. Le début de la nouvelle année devait en grande partie y remédier. Espoir déçu…
En janvier, seuls 49 000 emplois ont été créés contre les 105 000 prévus. C’est sans conteste médiocre, surtout après un mois de décembre fortement revu à la baisse (de -140 000 à -227 000 emplois). En outre, la création nette d’emplois est surtout due aux pouvoirs publics. La croissance dans le secteur privé (des services) n’atteint que 6 000 emplois, grâce aux services professionnels (97 000) et informatiques (16 000), qui ont compensé les pertes par ailleurs considérables du secteur des loisirs (-61 000) et du commerce (de détail) et du transport (-50 000). Le secteur de la production, qui reste le maillon fort dans de nombreuses économies, affiche une première contraction de ses effectifs depuis le début de la pandémie (-4 000). En parallèle et contre toute attente, le taux de chômage s’est replié de 6,7% à 6,3%. Cette évolution est plus probablement due à la baisse du taux de participation (de 61,5% à 61,4%) qu’à la faible croissance de l’emploi. Autrement dit, une partie de la population apte au travail a quitté le marché (découragée?) et disparaît donc des statistiques. Entre-temps, le nombre de chômeurs de longue durée (> 26 semaines) a augmenté pour atteindre environ 40% du total, une proportion inédite depuis 2012. Notons tout de même un point positif du rapport: l’emploi dans le secteur temporaire (intérimaire) a fortement augmenté. Ce constat, combiné à la semaine de travail la plus longue jamais mesurée (35 h/semaine), peut être un signal favorable.
Et les marchés financiers? Ils sont de bonne humeur. Sur les marchés des taux, nous avons en fait assisté à une redite de la réaction à la faiblesse inattendue du rapport de décembre. Les taux américains ont clôturé la séance sur une hausse d’environ trois points de base. À la source de ce mouvement pervers, l’hypothèse que les incitants fiscaux seront plus rapides et plus importants que l’impact de la contraction. Elle est d’autant plus crédible que le Sénat américain a approuvé une proposition de loi permettant au président Biden de mettre en œuvre (une partie de) son enveloppe fiscale sans le soutien des Républicains. Le week-end dernier, la ministre des Finances Janet Yellen a en tout cas plaidé une nouvelle fois en ce sens. Selon elle, avec le plan fiscal de 1 900 milliards de dollars préparé par Biden, les États-Unis pourraient retrouver le plein emploi dès l’année prochaine. Le marché continue donc à miser de tout cœur sur la reflation. Les taux américains retrouvent facilement une courbe haussière et un nouveau sommet de relance se prépare pour la variante à dix ans (1,187%). Une valeur dérivée du marché pour l’inflation attendue atteint son niveau le plus élevé depuis 2014 (2,21%). De son côté, le taux d’intérêt à trente ans flirte avec les 2%. Ce mouvement découle aussi de l’imminence de l’offre d’emprunts d’État à 10 et à 30 ans, qui aura lieu plus tard cette semaine. Leur adjudication rapide pourra donner lieu à une correction limitée et temporaire des taux. Vendredi dernier, le cours EUR/USD a reçu une bouée de sauvetage: après avoir bu la tasse sous son niveau de soutien important de 1,2011, la paire a en effet émergé à 1,204 à la suite des statistiques américaines. Néanmoins, la dynamique reste favorable au dollar. Le différentiel EUR/USD évite peut-être la rupture technique, mais n’est pas encore tiré d’affaire.