La BCE vole la vedette à la Fed
Hier, la banque centrale américaine (Fed) a tenu sa première réunion de politique de 2021. Cela était censé être le point culminant de la journée, même si les attentes n'étaient (à juste titre) pas très élevées. Ce n'est pourtant pas la Fed qui s'est retrouvée au centre de l'attention, mais bien la BCE.
La BCE manque rarement l'occasion d'insister sur le fait qu'elle peut modifier tous les paramètres de sa politique si elle le juge nécessaire. Elle l'a, par exemple, encore clairement fait comprendre lors de sa réunion de politique de la semaine dernière. Le marché part depuis déjà un certain temps du principe que ce “tous” renvoie surtout aux programmes de financement à long terme (les TLTRO) et aux programmes d'achat (l'APP et le PEPP). Les baisses de taux ne sont généralement pas prises en considération. Quels arguments la BCE pourrait-elle encore avancer si elle n'a même pas franchi ce pas au plus fort de la crise du coronavirus? Réponse: le cours EUR/USD et l'inflation.
Le procès-verbal de la précédente réunion de politique n'est pas encore disponible, mais plusieurs sources au sein de la BCE ont déjà levé un coin du voile hier. La banque centrale s'inquiète de voir le marché exclure purement et simplement un nouvel abaissement des taux. À tel point même que les décideurs politiques sont d'accord pour remettre cette option en avant. Et c'est ce qui s'est passé. Le membre néerlandais du conseil des gouverneurs Klaas Knot, jusqu'il y a peu encore fermement opposé à l'idée d'un taux encore plus négatif, a lancé les hostilités hier. Selon ce "faucon” monétaire, la BCE dispose encore d'un arsenal suffisant pour freiner l'appréciation (trop forte) de l'euro et son impact sur l'inflation. Il a ainsi explicitement pointé la possibilité d'un abaissement des taux. D'après Knot, la valeur plancher effective (”effective lower bound") de -0,5% n'est pas encore atteinte. Ce n'est pas vraiment neuf. Une étude de la BCE situait déjà cette valeur autour de -1% à la fin de l'année dernière. Mais le fait que ce soit précisément Knot qui a donné ce message n'est pas passé inaperçu sur le marché, qui a revu ses prévisions de taux (directeurs) à la baisse. Il ne faut toutefois rien exagérer. En ce moment, les investisseurs anticipent seulement une demi-baisse au second semestre de cette année. Le cours EUR/USD a néanmoins trinqué. La paire a perdu tout un "big figure" et est tombée d'environ 1,216 dans la zone de support intermédiaire de 1,206, pour finalement repasser au-dessus de 1,21.
Le gouverneur finlandais Olli Rehn a remis une couche ce matin. Celui-ci a expliqué que la banque centrale suivait de près l'évolution du cours de l'euro et a pointé les faibles prévisions d'inflation comme une possible explication de la vigueur de la monnaie unique. Une sortie qui a eu nettement moins d'impact sur l'euro (le cours EUR/USD s'est prudemment renforcé au-dessus de 1,21). Cette attaque coordonnée sur l'euro est aussi frappante que dangereuse. Frappante, parce que la BCE et Lagarde n'avaient (officiellement) quasiment pas évoqué la prétendue vigueur de l'euro lors de la dernière réunion. Peut-être parce que le cours EUR/USD avait déjà chuté de (plus de) deux points entiers les semaines précédentes? De plus, l'euro reste, d'un point de vue historique, sous-évalué par rapport au dollar. Et dangereux parce que les interventions verbales se transforment en termes creux lorsqu'aucune action concrète ne suit. Cela nuit à la crédibilité de la BCE. Nous estimons qu'une baisse des taux reste hautement improbable. La BCE prend déjà aujourd'hui des mesures pour compenser les effets secondaires indésirables. À quelle logique répondrait un taux d'intérêt encore plus négatif? En outre, malgré toutes les mauvaises nouvelles qui se multiplient pour le moment, nous nous trouvons à la veille d'une campagne de vaccination massive. Cela permettra à l'économie de se redresser à partir du second semestre et de soutenir l'inflation. Qui sait, peut-être même plus vite que prévu.