Renzi ébranle la coalition italienne
L’Italie ne s’est jamais vraiment illustrée dans la formation de gouvernements stables. Au cours des 60 dernières années, une seule coalition a su se maintenir pendant le mandat normal de cinq ans: celle qui a été au pouvoir de 2001 à 2006, sous la direction de Berlusconi. Et même alors, ce ne fut pas un sans faute, avec le licenciement temporaire d’Il Cavaliere en avril 2005. Les traditions ont la vie dure: en ce début 2021, la botte européenne traverse de nouvelles turbulences politiques.
En 2019, la Lega de Salvini avait torpillé la coalition avec le Mouvement 5 étoiles (5SM) de Di Maio. À ce moment-là, le gouvernement Conte I avait à peine un an. Le premier ministre avait ensuite conclu un nouvel accord de coopération entre Conte II, le Parti démocrate (PD) et un troisième tout petit parti, Libres et égaux. Peu de temps après, le PD de Matteo Renzi a cependant mis sur pied sa propre fraction, Italia Viva. Renzi a néanmoins promis de continuer à soutenir la coalition en place, la dotant ainsi d’une majorité opérationnelle au parlement. En d’autres termes, le soutien d’Italia Viva à la coalition est vital, ce qui confère au parti un levier de pouvoir disproportionné dans la prise de décision… Et ce levier, Renzi semble décidé à l’exploiter au maximum.
L’Italie est l’un des pays les plus durement touchés par le coronavirus et l’un des principaux bénéficiaires des versements et des prêts du fonds de relance européen. Au départ, Conte avait l’intention de se montrer frugal. De fait, le technocrate, un peu plus conservateur par nature, craint pour la crédibilité de l’Italie, qui affiche déjà une dette publique particulièrement élevée. Pour Renzi, c’est plutôt une occasion perdue. En outre, l’ancien premier ministre italien souhaite que le pays profite amplement des crédits bon marché mis à disposition par le MES pour investir davantage dans les soins de santé. Conte a déjà révisé le planning des dépenses initial selon les desiderata de Renzi, mais ce dernier trouve cela insuffisant pour l’instant.
La raison du forcing politique de Renzi n’est pas claire. Les prochaines élections n’auront (normalement) lieu qu’en 2023 et il est donc encore un peu tôt pour un coup de publicité électoral. À moins qu’il ne vise un scrutin anticipé? C’est peu probable, vu les résultats médiocres d’Italia Viva dans les derniers sondages (autour de 3%). Abstraction faite des spéculations sur une nouvelle coalition sous Conte III ou un nouveau premier ministre, il y a une possibilité réelle que Renzi retire son soutien aujourd’hui. Cela plongerait le pays dans l’incertitude à un moment particulièrement délicat. Après les élections et la formation d’une coalition en 2018, les aléas de la politique italienne ont fortement mis sous pression l’euro (ou sa stabilité). C’était principalement dû au scepticisme européen, finalement justifié par le gouvernement: après le Grexit et le Brexit, vous souvenez-vous de “l’Itexit” un peu plus malsonnant? Depuis, la situation a cependant changé et c’est pour cela que l’euro ne s’inquiète pas encore. Hier, le cours EUR/USD a de nouveau franchi sans trop d’efforts le cap de 1,22. Les menées de Renzi ne sont pourtant pas sans impact sur les actifs italiens. Ces derniers jours, les détenteurs d’obligations souveraines italiennes se sont montrés nerveux et ont réduit leurs portefeuilles. Le taux italien à dix ans a grimpé de 12 points de base en un rien de temps et la prime de risque de crédit, le différentiel de taux avec les obligations d’État allemandes sûres, augmente.