Impact du coronavirus sur les valeurs immobilières dans l’UE
Malgré la crise du covid-19, le marché du logement européen a continué à enregistrer d’excellentes performances au premier semestre de 2020. Selon les chiffres d’Eurostat, les prix des habitations dans l’UE ont augmenté de respectivement 5,2% et 4,7% au premier et au deuxième trimestre par rapport à l’année précédente. C’est plus que la hausse de 4,3% observée en 2019. Qu’est-ce qui a permis à ce marché de se maintenir dans des circonstances économiques difficiles? Il y a notamment la faiblesse des taux d’intérêt et les aides aux revenus dont les citoyens affectés ont pu bénéficier dans la plupart des pays. C’est ainsi que l’immobilier est resté abordable. En outre, la combinaison de taux d’intérêt bas et d’un climat économique incertain a ravivé l’intérêt des investisseurs. La forte demande mise à part, la hausse des prix est également due à la lenteur de l’adaptation de l’offre de logements.
Dans un contexte de crise grave, la santé robuste du marché du logement soulève la question d’une surchauffe. Nous pouvons vérifier si c’est le cas à l’aide des mesures de valorisation que la BCE calcule chaque trimestre pour les marchés du logement de l’UE. Celles-ci révèlent d’abord de grandes disparités entre les pays. En Suède et au Luxembourg tout particulièrement, la moyenne des quatre critères chiffrés aboutit à un marché surestimé au deuxième trimestre de 2020. Même constat pour la valorisation de la BCE basée sur un modèle économétrique (l’un des quatre critères), généralement considéré comme le plus fiable: cette approche se fonde sur un prix d’équilibre évalué à l’aune de déterminants fondamentaux (revenu, rente, offre de logements,…). Lorsque les prix réels en dévient, le modèle pointe donc dans la direction d’une sous-évaluation ou d’une surévaluation.
La BCE ne précise pas quelles variables elle reprend dans les modèles de pays individuels. L’on sait cependant qu’elles ne sont pas forcément les mêmes d’un pays à l’autre, notamment en fonction de la disponibilité des données. Par exemple, il se peut que le revenu des ménages ne soit pas repris dans le modèle, mais que le PIB par habitant serve de mesure d’approximation. En moyenne, selon les modèles de la BCE, les marchés des pays de l’UE étaient surévalués de 12,5% au deuxième trimestre. Ce chiffre dépasse celui du premier trimestre de pas moins de 14 points de pourcentage, ce qui laisse supposer que la forte correction du PIB pèse dans le modèle. En effet, grâce aux aides publiques, les revenus des ménages ont chuté bien moins que le PIB en lui-même, si bien que l’augmentation effective de la surévaluation est sans doute moindre que ce que les modèles de la BCE indiquent. Quant à notre propre approche par modèle pour le marché immobilier belge, basée sur le revenu disponible des ménages, elle estime la surévaluation au deuxième trimestre à 10%, contre 6% au premier trimestre. C’est nettement inférieur à la surévaluation de 29% du modèle de la BCE pour le marché belge (et qui était de 5% au premier trimestre).
Indépendamment des estimations de la valorisation du marché, avec les suites encore floues de la crise du covid-19, il est difficile de déterminer si et dans quelle mesure les prix des habitations dans les pays de l’UE diminueront dans la période à venir. Pour la Belgique, nous pensons qu’une telle correction (temporaire) est probable et nous l’estimons pour l’instant à 3% en 2021. Quand la pandémie prendra fin et que les économies européennes se relèveront progressivement, la probabilité que les marchés résidentiels de l’UE (pour la plupart) renouent avec une évolution positive des prix à partir de 2022 augmentera aussi.
Johan Van Gompel, Senior Economist KBC Group