Lagarde exclut un abaissement des taux
La Banque centrale européenne (BCE) a tenu son forum annuel de politique monétaire ces deux derniers jours. Pour la première fois de son histoire, la BCE a dû opter pour une formule virtuelle. En début de semaine, la présidente de la BCE, Chistine Lagarde, le président de la Fed, Jerome Powell, et le président de la BoE, Andrew Bailey, ont tous poussé un ouf de soulagement à l'annonce des avancées réalisées dans le développement du vaccin. Cette nouvelle, combinée à la victoire de Biden, permet de rendre l'avenir un peu moins incertain.
La cheffe de la BCE a donné plus de détails sur l'assouplissement monétaire supplémentaire que son institution prépare pour décembre. Elle a formellement exclu tout nouvel abaissement des taux. Elle clôt ainsi la discussion entre les partisans et les détracteurs d'une telle mesure. Jusqu' au début de cette semaine, les taux du marché monétaire européen à court terme tablaient encore sur un nouvel abaissement des taux de 10 points de base en fin 2021. Ce n'est plus le cas désormais. Des taux encore plus négatifs ne constituent pas la bonne solution face à la crise actuelle dans l'économie réelle – comme en témoigne la fonction de réaction des banquiers centraux mondiaux en 2020 - et entraînent plus de coûts que de bénéfices pour le système financier. La BCE veut surtout miser sur les mesures d'urgence exceptionnelles qui ont prouvé leur utilité ces derniers mois. Concrètement, Lagarde vise le programme d'achats d'urgence face à la pandémie PEPP (achats d'obligations) et les opérations de refinancement à plus long terme ciblées TLTRO (injections de liquidités bon marché).
L'actualité autour des vaccins profite à la BCE. Cela élimine un peu de la pression externe (du marché) qui était exercée sur elle en vue d'un nouvel assouplissement. La détérioration des perspectives de croissance et d'inflation plaideront en faveur d'une intervention, mais, tout bien considéré, la BCE dispose encore d'une marge de manœuvre suffisante dans les limites de ses paramètres de politique. L'enveloppe totale du portefeuille PEPPP s'élève ainsi à 1 350 milliards d'euros. Or, en fin octobre, le compteur affichait 620 milliards d'euros. Cela signifie que d'ici juin 2021, date d'échéance provisoire du PEPP, la BCE achètera encore en moyenne plus de 80 milliards d'euros d'actifs par mois. À titre de comparaison, le montant des achats a oscillé entre 59 et 67 milliards d'euros ces trois derniers mois. La BCE a donc encore la possibilité d'appuyer sur l'accélérateur dans le cadre du programme PEPP actuel. En ce qui concerne les octrois de crédits dans le cadre des TLTRO, deux des séries prévues doivent doivent encore avoir lieu.
Marge de manœuvre ou pas, la BCE ne peut désormais plus revenir sur ses pas. La solution la plus simple serait de prolonger la date butoir du PEPP de six mois et d'augmenter légèrement le montant de l'enveloppe totale. De nouvelles séries de TLTRO, éventuellement d'une durée encore plus longue que les 3 années actuelles, seraient aussi une solution simple. Nous pensons toutefois que la BCE devra surtout s'engager à maintenir plus longtemps sa politique accommodante – même avec un vaccin - plutôt que de procéder à une extension quantitative de sa politique.
Sur les marchés, le message de Lagarde à propos du taux directeur négatif renforce le plancher de 1,1612 de la paire de devises EUR/USD. En revanche, le signal concernant les achats d'obligations rendra dans un premier temps difficile une forte hausse de la partie longue des courbes de taux européennes, même avec l'apparition d'un contexte de reflation.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC