La fin d'une époque
Les marchés sont toujours sous l'effet des nouvelles prometteuses autour du vaccin Pfizer-BioNTech. Mais de nombreux points d'interrogation subsistent quant au timing et à l'efficacité d'une vaccination à grande échelle contre le Covid-19. Ce qui n'empêche que la nouvelle a bouleversé la donne. Il y a enfin une lumière au bout du tunnel. Cette pensée suffit à elle seule à redonner le sourire aux bourses. Le chemin sera néanmoins encore long, alors que le baromètre économique pointe des conditions hivernales très difficiles. Cette dégradation est due aux nouvelles mesures de semi-confinement qui paralysent à nouveau une partie de l'activité économique, surtout en Europe. La belle reprise du troisième trimestre a donc brutalement pris fin et cela se ressentira encore en 2021. Nous pensons que la croissance économique devrait retomber en territoire négatif au quatrième trimestre, mais que ce deuxième choc lié au coronavirus sera tout de même moins sévère. Les nouvelles mesures de semi-confinement sont en effet beaucoup moins strictes que les mesures qui avaient été prises au printemps dernier. En outre, de nombreux secteurs, et en particulier l'industrie, se sont adaptés et les échanges commerciaux internationaux sont à peine perturbés. Le commerce mondial bénéficie en effet d'un soutien important en provenance d'Asie, qui semble pour le moment épargnée par une deuxième vague et où l'économie poursuit son redressement.
Mais le climat conjoncturel n'est pas uniquement influencé par l'impact direct de la deuxième vague du Covid-19. Les répliques de la première vague se font aussi toujours attendre. Nous pensons notamment aux entreprises qui feront faillite et qui, par ricochet, contamineront aussi d'autres entreprises jusque là saines. Le chômage va également augmenter.Dans un tel climat d'incertitude, les entreprises vont encore hésiter à investir, comme l'indiquent d'ailleurs déjà les enquêtes. Cet impact de la première vague était attendu à partir de cet automne. L'arrivée de la deuxième vague a cependant poussé les gouvernements à prolonger leurs mesures de soutien existantes, avec le chômage partiel, les moratoires sur les crédits et l'impossibilité juridique de déclarer faillite dans les prochains mois. Le véritable choc du coronavirus a donc été reporté à plus tard et tout semble aller bien pour le moment (voir le graphique des chiffres des faillites en Belgique). Mais ce report ne fera qu'accroître l'ampleur du choc.
Il faut donc bien se rendre compte que la sortie de la crise sera particulièrement compliquée. L'arrivée d'un ou plusieurs vaccins permettra de tourner la page de l'ère coronavirus. Le fait que des avancées soient enregistrées si tôt dans la recherche d'un vaccin indique que la lutte contre le covid-19 est entrée dans sa phase finale. À mesure que la fin de l'ère du coronavirus approchera, la question sera alors de de savoir à quoi ressemblera l'ère post-coronavirus. Beaucoup croient que certaines tendances sont devenues structurelles et se poursuivront. Nous pensons notamment à l'utilisation plus intensive des applications numériques. Le verdissement de notre économie a également bénéficié d'un coup de pouce, mais davantage grâce à des choix politiques (par exemple dans le cadre du programme Next Generation EU) qu'à des processus de marché automatiques. La politique s'est immiscée dans la vie économique dans de nombreux domaines. Un malade a besoin de médicaments, mais il existe un risque de dépendance avec certains d'entre eux. La fin de l'ère coronavirus implique également la fin d'une politique monétaire extrêmement souple. L'ère post-coronavirus sera aussi marquée par la fin des subsides massifs et autres programmes de soutien, car ceux-ci seront impayables en période d'assainissement des finances publiques. Mais sommes-nous vraiment prêts, en tant qu'économie et en tant que société ? Le risque est que la reprise économique dans l'ère post-coronavirus dévoile au grand jour notre dépendance aux solutions à court terme. Or, c'est d'un tout autre cocktail de solutions dont nous avons besoin pour nos ambitions digitales, écologiques et autres : entrepreneuriat, primes de risque correctes, investissement et innovation et, surtout, des marchés efficaces pour séparer le bon grain de l'ivraie.
Jan Van Hove, KBC Group Chief Economist