Un cauchemar D/démocrat(iqu)e
La nuit des élections américaines s’achève sans résultat officiel. Deux choses sont cependant déjà claires: le rêve démocrate de prendre le contrôle de la Maison Blanche et du Capitole (Chambre + Sénat) risque de virer au cauchemar. Et l’espoir démocrate d’une élection rondement menée est anéanti.
Tout comme il y a quatre ans, les sondages ont été trompeurs. Au lieu d’un raz-de-marée bleu, nous assistons à une lutte serrée pour la présidence comme pour le Sénat. Ce matin, la carte électorale américaine est presque identique à celle de 2016. À l’exception de l’Arizona et d’une circonscription électorale au Nebraska, la lutte de pouvoir Trump-Biden se présente comme une redite de l’affrontement Trump-Clinton. Les changements marginaux sont en défaveur de Trump: il perdra certainement 12 électeurs sur les 306 qu’il avait obtenus en 2016. Pour rappel, le candidat qui obtient plus de 270 électeurs l’emporte. Pour l’instant, le challenger Biden a le dessus avec 238 électeurs contre 213; mais dans six des huit États qui doivent encore désigner un gagnant, le président Trump est en tête. La majorité républicaine au Sénat (53-47) était aussi en question à la veille des élections, avec 35 sièges vacants. Actuellement, nous observons une égalité entre les Démocrates et les Républicains (47-47), mais le candidat républicain devance son adversaire dans cinq scrutins sur six.
Tandis que le bilan penche en sa faveur, le président Donald Trump tire (prématurément) la couverture à lui. Il revendique la victoire dans des états contestés comme la Géorgie, la Caroline du Nord et la Pennsylvanie – et donc la présidence – et veut réaliser son avance sans attendre. Au lieu de compter encore pendant des jours les votes émis par la poste, il veut saisir la Cour suprême afin de mettre fin aux comptages en cours. Une lutte juridique et un vide de pouvoir politique menacent, surtout si Trump ne parvient pas à obtenir la victoire de manière conventionnelle. Quant au challenger démocrate Biden, il serait disposé à relever le gant (juridique) et à comptabiliser chaque vote émis.
Ce matin, la réaction des marchés a été mitigée. En premier lieu, le “reflation trade” s’est dilué, car cet élan misait sur une victoire démocrate sur tous les tableaux et la mise en œuvre conséquente de mesures de soutien fiscales. Or la situation politique à Washington restera fragmentée, ce qui pourrait engendrer de nouvelles impasses. Les taux américains ont baissé; le dollar a augmenté (baisse des prévisions d’inflation) et les bourses sont tout juste restées dans le vert. Le secteur technologique a même gagné du terrain, car la probabilité de mesures réglementaires supplémentaires diminue. Dans un deuxième temps, le marché a réagi à la crise constitutionnelle que le président Trump menace de déclencher. L’aversion au risque qui en a découlé a encore poussé les taux à la baisse et a fait basculer le sentiment boursier. Il est frappant de constater que le dollar ne parvient pas à capitaliser sur les gains antérieurs. D’un point de vue technique, le taux américain à 10 ans retombe à son niveau de support de 0,80%. L’EUR/USD a testé le seuil de 1,1612, sans toutefois le rompre. Nous nous attendons à ce que l’aversion au risque reste le thème dominant du marché dans les heures/jours à venir.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC