Règles budgétaires européennes: opportunité de réflexion
Le 5 février 2020, juste avant que la pandémie ne frappe de plein fouet l'Europe, la Commission européenne avait annoncé une révision des règles budgétaires dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Paolo Gentiloni, commissaire européen aux Affaires économiques, avait alors pointé la complexité et l'absence de transparence de la réglementation. La stabilité des finances publiques demeure un objectif central, mais la Commission avait proposé que les règles budgétaires accordent à l'avenir davantage d'attention au soutien de la croissance économique et des investissements publics. La Commission soulignait également la nécessité de mener une politique anticyclique plus vigoureuse, vu que la BCE a pratiquement atteint les limites de sa politique monétaire.
Sous la pression de la pandémie, cette révision a été mise en veilleuse. Le 20 mars, la Commission européenne a annoncé, avec l'accord du Conseil européen, l'activation de la clause de sauvegarde générale du PSC. Cette clause permet aux États membres de s'écarter temporairement des règles budgétaires européennes. Ces dernières seront à nouveau appliquées au budget 2022 au plus tôt, voire plus tard si les effets budgétaires de la pandémie sont encore perceptibles.
Concrètement, les gouvernements nationaux doivent encore jusqu' à nouvel ordre soumettre leurs propositions de budget à la Commission, mais elles ont de facto les mains libres sur le plan budgétaire. La question difficile est de savoir quand et dans quelles circonstances cette clause de sauvegarde pourra à nouveau être désactivée. Le vide réglementaire que nous connaissons actuellement pourrait en tous les cas être mis à profit pour réfléchir à l'opportunité et à la manière de réformer le PSC.
Le 20 octobre, le Comité budgétaire européen ("European Fiscal Board" ou EFB), un organe consultatif indépendant de la Commission européenne, a présenté dans son rapport annuel sa vision d'une éventuelle réforme du PSC. Selon le Comité, il serait préférable de discuter et de décider d'une telle réforme avant que la clause de sauvegarde ne soit à nouveau désactivée.
Selon le comité, la pandémie a mis en exergue trois lacunes majeures de la réglementation actuelle. Premièrement, l'absence d'un budget européen permanent d'une taille significative et disposant d'une source de financement ou d'une capacité d'emprunt propre. Les programmes "Next Generation EU" et "SURE" répondent en partie à ce manquement, mais cela reste des instruments de politique limités, temporaires et majoritairement basés sur des prêts.
En deuxième lieu, les règles actuelles du PSC ne fonctionnent pas correctement et devraient être affinées. L'utilisation du concept de solde budgétaire structurel n'a, jusqu'à l'éclatement de la pandémie, pas empêché de mener des politiques budgétaires nationales encore souvent procycliques. Dit autrement, les gouvernements nationaux n'ont pas suffisamment profité de la conjoncture relativement favorable jusqu'en 2019 pour améliorer la situation de leurs finances publiques.
Enfin, le Comité budgétaire européen plaide pour un traitement plus souple des investissements publics en faveur de la croissance dans le cadre de l'application des règles budgétaires. Dans la pratique, il ne sera toutefois pas si simple d'éviter les comptabilités créatives, comme la qualification de toutes sortes de dépenses publiques en investissements.
En cas d'éventuelle réforme du PSC, un consensus pourra vraisemblablement être trouvé autour de l'affinement et du maintien des règles budgétaires et d'une approche comptable stimulant les investissements publics. Le dossier de la capacité budgétaire européenne paraît en revanche beaucoup plus compliqué. Il est vrai qu'un modeste précédent a déjà été créé pendant la pandémie. Un consensus sur une extension substantielle semble toutefois improbable. Dommage, cela équivaudrait à une opportunité manquée.