Une mission difficile pour la BCE

Ce jeudi, la banque centrale européenne se penchera sur sa politique monétaire à Francfort. La situation à laquelle elle est confrontée est pour le moins délicate. Le rebond de la pandémie sur le continent et les nouvelles mesures de (semi-) confinement vont à nouveau mettre l'économie européenne sous pression au dernier trimestre et peser sur les perspectives d'inflation, déjà moroses. En ce qui concerne la croissance, Fabio Panetta, membre du directoire de la BCE, a récemment déclaré que le risque de voir l'économie ne pas se redresser avant 2023 avait augmenté. En ce qui concerne l'inflation, il n'y a guère d'amélioration en vue. Le taux de l'inflation générale (publication vendredi) devrait, pour le troisième mois consécutif, être négatif en octobre, alors que l'inflation de base sous-jacente, qui ne tient pas compte des composantes volatiles comme l'alimentation et l'énergie, devrait flirter avec ses planchers de ces 20 dernières années (0,2% en glissement annuel). Les perspectives futures en matière d'inflation (ex.: swap d'inflation forward à 5 ans sur 5 ans) s'élèvent à peine à 1,16%, signe que le marché craint de voir l'objectif d'inflation de 2% de la BCE rester hors de portée.
Dans ce contexte, c'est surtout la pression extérieure (du marché) qui augmente sur la BCE, même si Lagarde et ses collègues estiment que, dans les circonstances actuelles, la première ligne de défense se situe au niveau de la politique budgétaire. La réponse monétaire n'est pas la plus importante. La BCE est toutefois prête à apporter sa pierre à l'édifice via sa présence sur le marché obligataire. Concrètement, nous ne nous attendons pas encore à un changement de cap cette semaine. Celui-ci viendra peut-être en décembre, lorsque la banque disposera de nouvelles prévisions de croissance et d'inflation.
Les options de la BCE sont limitées. Une nouvelle baisse du taux de dépôt reste selon nous inenvisageable, même si le marché des taux à court terme n'exclut toujours pas cette possibilité. En général, l'expérience des taux directeurs négatifs n'est pas vécue favorablement. Sans autres mesures synthétiques, ces taux négatifs sont un véritable boulet pour le secteur financier. Ils sont parfois appréciés en cas de devise trop forte. À EUR/USD 1,20, certains gouverneurs n'ont pas résisté à la tentation de s'exprimer. L'impact de ces interventions a rapidement été contreproductif, car le marché se rend compte que l'euro pourrait facilement encore grimper de 10% avant que la BCE ne puisse réellement intervenir. Les marges d'assouplissement se situent une nouvelle fois du côté des achats d'actifs. Au printemps, la BCE a mis en place un programme d'achat d'urgence face à la pandémie (PEPP) temporaire. Ce PEPP est une enveloppe de 1 350 milliards d'euros, dont la moitié n'a pas encore été dépensée. La BCE dispose également d'une plus grande marge de manœuvre dans la répartition de ses achats que dans son autre programme, l'APP. Le PEPP restera opérationnel jusqu'au milieu de l'année prochaine. Avec la deuxième vague qui a pour effet de prolonger le caractère d'urgence exceptionnel de la pandémie, la BCE dispose d'une excuse pour reporter la date de péremption du PEPP et étendre le portefeuille si nécessaire.
En ce qui concerne les marchés, nous craignons surtout que la BCE ne parvienne pas à protéger l'euro. Le dollar ne se trouve actuellement pas dans des conditions vraiment favorables et profite par exemple à peine du regain d'aversion pour le risque. En outre, la nervosité augmente à l'approche des élections. Le plafond de EUR/USD 1,1881 d'octobre constitue le dernier seuil technique avant un retour en direction de 1,20.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC