Le yuan teste un important niveau technique
Le yuan chinois s'est bien comporté par rapport à un dollar généralement faible, mais aussi par rapport à l'euro ces deux derniers mois. Hier, la paire USD/CNY a testé pendant un moment le niveau de support autour de 6,65 et a enregistré son cours le plus élevé par rapport à son "concurrent" américain depuis juillet 2018.
Le yuan n'est toujours pas aussi librement négociable que les autres grandes devises. Dans la politique économique chinoise, la stabilité et la prévisibilité constituent deux valeurs capitales. C'est également le cas pour la politique monétaire de la banque centrale chinoise (PBOC). La situation reste donc compliquée. D'une part, la Chine veut que sa devise joue un rôle international plus important. Pour cela, sa devise doit être librement négociable. D'autre part, la PBOC ne veut pas qu'une trop grande volatilité perturbe la trajectoire économique et financière du pays. La PBOC surveille les mouvements du yuan par rapport à un panier de devises qui reflète le commerce chinois. Dans la pratique, la banque oriente le marché principalement via un cours de référence journalier du USD/CNY, autour duquel les écarts ne peuvent pas dépasser 2%.
Malgré ce "contrôle", l'économie et les mouvements de capitaux jouent un rôle dans la valorisation du yuan. La situation économique s'est déjà améliorée. La crise du coronavirus a touché la Chine plus tôt que le reste du monde, mais le pays a pu maîtriser la situation relativement vite. Des chiffres publiés plus tôt cette semaine montrent que l'activité au cours des trois premiers trimestres de cette année était de 0,7% supérieure à celle de l'année dernière. Cette performance économique relativement forte justifie à elle seule un renforcement de la devise. L'appréciation du yuan pèse en principe sur les exportations, mais cela ne pose pas vraiment de problème vu que la Chine mise surtout sur le renforcement de la demande intérieure.
Le renforcement du yuan doit aussi être envisagé sous l'angle monétaire. Les taux chinois sont historiquement bas, mais les investisseurs en obligations chinoises ne sont pas confrontés à la même compression financière que dans d'autres grands blocs. Les investisseurs chinois s'intéressent peut-être moins aux actifs étrangers et, inversement, les investisseurs étrangers s'intéressent davantage à ces titres "à haut rendement". Le contexte politique a également évolué en faveur du yuan. Le conflit commercial avec les États-Unis, qui a régulièrement mis le yuan sous pression ces dernières années, est quelque peu passé au second plan. Les sujets brûlants ne disparaîtront pas, même si Biden remporte les élections, mais ils seront peut-être abordés d'une manière moins agressive.
Il est toujours difficile de savoir dans quelle mesure un mouvement de yuan a été dirigé ou est dû aux forces du marché. Alors que la PBOC n'avait, jusqu' il y a peu, aucun problème avec une hausse de sa monnaie, certains signes ont récemment montré que celle-ci avait atteint un rythme suffisant élevé et qu'elle allait pouvoir passer à la vitesse inférieure. Le mois dernier, la PBOC a ainsi réduit le prix à payer pour anticiper une dépréciation du yuan. Ce matin, nous avons appris que les autorités envisageaient de permettre aux fonds nationaux d'investir davantage dans des actifs étrangers. Ce type de modification ne se fait que si vous estimez que votre monnaie est (plus que) suffisamment forte. De même, la PBOC a récemment laissé entendre, via la fixation quotidienne du cours de référence, qu'elle ne voulait plus voir sa monnaie se renforcer davantage. En outre, le yuan reste toujours sensible au sentiment à l'égard du risque. La devise s'est ainsi affaiblie ce matin à cause du regain d'aversion pour le risque (USD/CNY 6,67). Le cours USD/CNY reste déterminé dans une large mesure par la tendance générale du dollar US. Il est par ailleurs possible que les signaux envoyés par la PBOC freinent progressivement la hausse du yuan par rapport à l'euro.