Les taux américains atteignent leur premier niveau de résistance
Hier, les taux américains ont atteint 10 points de base sur les (très) longues durées. Le taux américain à 10 ans a clôturé au cours le plus élevé depuis juin et teste un premier niveau de résistance à environ 0,78%. Le taux à 30 ans tente déjà de franchir le premier obstacle technique (1,57%). Le sommet de juin à 1,76% est le niveau de référence suivant.
De l’ouverture européenne à la fermeture américaine, la hausse des taux s’est poursuivie sans encombre à la suite d’un concours de circonstances. Vu l’évolution limitée des taux d’intérêt en Europe, les causes doivent surtout être recherchées aux États-Unis. La plus évidente est l’impact du stimulus fiscal. Les sondages d’opinion réalisés après le premier débat présidentiel entre Trump et Biden ont montré que le candidat démocrate continue à creuser l’écart: dans l’espoir de le combler avant le vote, Trump cherche son salut dans une enveloppe de mesures de relance. Les démocrates y font allusion depuis un certain temps déjà, mais les républicains n’ont pas fait de cadeau à leurs rivaux. Le ministre des Finances Mnuchin et la présidente démocrate de la Chambre des Représentants, Pelosi, ont maintenu une bonne entente pendant les discussions. Les sondages d’opinion suggèrent en outre que les démocrates pourraient priver les républicains de leur majorité au Sénat. Dans un tel scénario, ce ne serait qu’une question de temps avant que des mesures d’incitation fiscale supplémentaires voient le jour. Mais des mesures d’incitation débridées vont de pair avec un déficit budgétaire et des besoins de financement croissants. Cette semaine, le Trésor américain émet un total de 109 milliards de dollars d’obligations d’État, dont des obligations à 10 et à 30 ans. Pour pouvoir digérer cette offre, le marché intègre parfois des réductions de prix. Nous avons observé le même effet (dans une moindre mesure) en août.
D’autres facteurs propices à la hausse des taux sont notamment le climat favorable au risque et une forte confiance des entrepreneurs ISM du secteur des services. De fait, les bourses américaines ont gagné plus de 1,5% hier. Cependant, cette hausse pourrait aussi être liée aux sondages: une victoire manifeste (si victoire il y a) de Biden se traduirait par une passation de pouvoir plus facile. Quant à l’indice ISM, il reflète la résilience de l’économie domestique des services aux États-Unis. Des indicateurs partiels suggèrent en effet une reprise des activités, une augmentation des carnets de commande et, pour la première fois depuis la pandémie de coronavirus, une hausse de l’emploi. Mais en ce qui concerne la reprise économique, nous restons plutôt sceptiques: compte tenu de l’évolution des courbes pandémiques, la relance du troisième trimestre menace d’être de courte durée.
Enfin, il est frappant de constater que le dollar a perdu du terrain hier, même si les taux réels ont compté pour la moitié de la hausse des taux. Théoriquement, le soutien fiscal est bénéfique pour la devise, car il réduit la pression sur la politique monétaire. Or en pratique, tout le monde sait que le président de la Fed Jerome Powell est à mille lieues d’envisager une normalisation de la politique. En témoignent les taux d’intérêt quasiment inchangés sur la partie courte de la courbe. Par ailleurs, des incitants supplémentaires donnent lieu de s’inquiéter pour le déficit budgétaire et le déficit de la balance courante aux États-Unis – autant de données négatives pour la devise américaine à plus long terme. Hier, le différentiel EUR/USD a flirté avec le niveau de 1,18 et a ainsi pour de bon mis fin à la correction du dollar de fin septembre.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC