La livre à la veille de la phase du tunnel?
Le 15 octobre 2020. Entourez cette date en rouge. Pour le premier ministre britannique Johnson, c’est la date limite à laquelle il doit apparaître clairement si un accord commercial avec l’UE est possible ou non. Ce sera aussi le début d’un sommet européen de deux jours au cours duquel le Brexit sera en tête des priorités. Les rumeurs relatives aux négociations sont pour le moins incohérentes: à l’optimisme général succède un regain de pessimisme et inversement sur une base journalière (voire plusieurs fois par jour). Les rebondissements de la livre sterling la semaine dernière en sont l’illustration parfaite. Ce n’est pas nouveau: depuis l’Internal Market Bill de Johnson début septembre, qui mine certaines parties de l’accord de séparation, la devise est devenue nettement plus volatile. Et comme il reste moins de deux semaines au compteur (officieux), ce n’est pas près de changer à court terme, au contraire. Le risque de fluctuations substantielles du cours est réel. Mais dans quel sens? Actuellement et malgré le timing serré, il est clair que le marché n’anticipe pas vraiment une sortie désordonnée. Le cours EUR/GBP (0,908) cote grosso modo à mi-chemin de la fourchette de 0,887/0,92 (qui remonte déjà à plusieurs mois). Il n’y a rien de bien anormal à cela: au fil des années, l’Europe s’est forgée une réputation dans l’art de passer des accords de dernière minute. Elle y a déjà fait honneur au cours du processus du Brexit et il semble probable qu’elle y reste fidèle.
Où en sont les négociations sur le terrain? Il faut admettre qu’à la suite de la proposition de loi de Johnson, les relations se sont fortement dégradées. L’UE a même entamé une procédure d’infraction officielle. Et les discussions proprement dites se heurtent toujours aux fameux écueils de la pêche et de la concurrence loyale. La semaine dernière, le dernier tour de table formel s’est terminé sans beaucoup de progrès. Vendredi, le premier ministre britannique a payé de sa personne, en faisant une (ultime?) tentative de sortir de l’impasse: pendant le week-end, il s’est entretenu avec la présidente de la Commission européenne von der Leyen. Cela n’a pas donné grand-chose de plus qu’une vague résolution d’intensifier les négociations. Cependant, le fait que la discussion se poursuive au plus haut niveau constitue selon nous un signal important. Le tête-à-tête de ce week-end a abouti à une plage temporelle supplémentaire pour les négociations. Cette semaine, le négociateur européen Barnier se rendra à Londres pour discuter avec son homologue britannique Frost. Mais d’abord, il lui reste à balayer devant sa porte: le dossier de la pêche divise aussi les rangs européens. La France surtout campe sur ses positions, au point que certains craignent que Macron ne torpille l’accord final avant qu’il ne soit couché sur papier. Mais vu les intérêts politiques et économiques en jeu, le président français devrait céder à la pression européenne.
En principe, le duo Frost-Barnier entamera la semaine prochaine la dernière ligne droite avant le sommet européen – la phase dite “du tunnel”. Le but n’est pas d’aboutir à un accord bien défini. Mais d’ici là, les grandes lignes devraient être tracées. Dans les semaines qui suivront – jusque fin octobre? –, les détails d’un accord plus étendu seront précisés. C’est donc une période cruciale qui s’annonce pour la livre britannique. La zone EUR/GBP 0,903 (38,2% Fibo retracement) constitue à cet égard un important point de basculement technique.