Les monnaies d'Europe centrale dos au mur ?
Les monnaies d'Europe centrale pansent leurs plaies ce matin. Le mouvement d'aversion pour le risque d'hier les a beaucoup plus touchées que d'autres devises moins liquides. D'un point de vue technique, c'est la couronne tchèque qui a connu l'évolution la plus frappante. Le cours EUR/CZK est passé de 26,75 à 27,13. Le niveau de résistance de 26,91 a donc été franchi et la remontée qu'a connue la couronne durant l'été est définitivement terminée. La Tchéquie est l'un des pays européens qui a été le moins touché par la première vague de coronavirus. Mais ce n'est plus du tout le cas. Le nombre de contaminations dépasse largement celui d'avril et mai, ce qui a forcé les autorités régionales à instaurer des mesures de restriction. Le niveau relativement modéré de la première vague a permis à l'orthodoxe banque centrale tchèque (CNB) de conserver ses munitions. La banque a ainsi abaissé son taux directeur à son niveau le plus bas, mais n'a pris aucune mesure non conventionnelle. Elle s'est simplement contenté d'évoquer le lancement d'un programme d'achats d'actifs (QE), l'introduction de taux négatifs ou une intervention sur le marché des changes pour contrer un affaiblissement (trop) rapide de la couronne. L'évolution défavorable de la situation sanitaire – et économique - renforce la pression sur la CNB, qui se réunit ce mercredi. L'affaiblissement de la couronne et le aplatissement de la courbe des taux tchèque suggèrent que le marché table désormais sur un programme QE en Ttchéquie.
Le forint hongrois est tombé à ses niveaux les plus bas depuis avril (362). En début de mois, le cours EUR/HUF avait déjà perdu franchi le niveau de résistance de 357,50 et il poursuit sa route vers son plus haut historique de 370. Le forint va de nouveau placer la banque centrale hongroise (MNB) face à un dilemme lors de sa réunion de cet après-midi. Tout le monde sait que la MNB aspire à une politique monétaire aussi souple que possible, sans pour autant dévaluer complètement le forint. Début avril, la MNB avait ainsi procédé à un relèvement implicite des taux d'intérêt afin d'influer sur la liquidité du HUF et remettre ainsi la devise – avec succès - sur la bonne voie. Nous sommes donc curieux de savoir ce que la MNB nous réserve pour cet après-midi. D'autant plus que l'inflation hongroise dépasse la marge de tolérance de 1% autour de l'objectif d'inflation de 3% et se maintiendra à ce niveau au moins jusqu' à la fin de l'année. La faiblesse de la devise et le niveau élevé de l'inflation devraient en principe justifier un nouvel ajustement de la politique monétaire très accommodante. Nous craignons cependant que la MNB aura du mal à enrayer le déclin du forint.
Le zloty polonais est la seule devise d'Europe centrale qui se maintient pour le moment dans sa fourchette de fluctuation de cet été, même si le niveau de résistance de EUR/PLN 4,50 a été largement testé hier. La Pologne est confrontée à ses propres démons, la coalition au pouvoir menaçant de se fissurer à cause d'un différend sur une loi sur les droits des animaux. Le ministre de la Justice Zbigniew Ziobro (SP) utilise la proposition de loi pour régler définitivement la course à la succession du ministre-président Kaczynski (PiS). Le ministre-président pensait à son collègue de parti Mateusz Morawiecki pour reprendre les rênes de la coalition de droite. Ziobro souhaite pousser le curseur encore plus à l'extrême droite, ce qui pourrait encore multiplier les sources de conflit avec l'Europe. S'il décide de retirer la prise de la coalition, le PiS pourrait alors rester au pouvoir via un gouvernement minoritaire ou convoquer de nouvelles élections. Le PiS reste en principe le premier parti du pays, à moins que Ziobro ne parvienne à semer la discorde en son sein.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC