Leçon de sagesse de nos voisins du nord
Le "Prinsjesdag" marque le début de la nouvelle année politique chez nos voisins du nord. Cette année, tant les festivités que le contenu de l'agenda politique sont dictés par la pandémie du coronavirus. Naturellement, ce sont surtout le projet de budget ("Miljoenennota") et les prévisions qui l'accompagnent qui nous intéressent. Le roi et le gouvernement se montrent particulièrement clairs: la crise du coronavirus pèse sur l'économie et la société néerlandaises et elle laissera des traces profondes pendant longtemps. Dans la realpolitiek néerlandaise, cela se traduit par un budget qui tente de trouver des nouvelles recettes et qui met en place des mesures de stimulation économiques très sélectives et ciblées. Un plan avec une vision à long terme, sans fioritures et intégrant des choix politiques difficiles.
Quel contraste avec la Belgique! Si les vagues idées de relance ne manquent pas de ce côté-ci de la frontière, il est en revanche beaucoup plus difficile de trouver des traces d'une réelle volonté politique. Et, pendant ce temps, l'horloge continue de tourner. Notre tissu économique a désespérément besoin d'une approche structurelle qui va au-delà des mesures d'urgence prises actuellement. L'appel commun exceptionnel lancé par les organisations patronales et les syndicats à partir du SERV (Conseil économique et social flamand) est un véritable appel au secours adressé à nos dirigeants pour qu'ils agissent. Le chômage temporaire et les moratoires sur les crédits sont des instruments utiles pour amortir le choc, mais (en plus d'être impayables) ils ne seront d'aucune utilité pour renforcer les fondamentaux économiques et garantir notre bien-être. En outre, la Belgique risque de ne pas pouvoir bénéficier de l'aide européenne (limitée) si elle n'a pas déposé son plan de relance auprès de la Commission européenne à la mi-octobre. Il y a donc urgence...
Cela vaudrait la peine d'aller chercher l'inspiration chez nos voisins. Ne serait-ce que pour tester nos idées en les confrontant aux meilleures pratiques de nos principaux partenaires commerciaux. Pour trouver la sagesse, il faut clairement regarder vers le nord. L'Allemagne a ainsi déjà lancé un ambitieux programme de 500 milliards d'euros. Un montant disproportionné et inimaginable en Belgique. Au niveau de son contenu, le plan allemand joue clairement la carte du nationalisme économique, avec une aide aux fleurons nationaux (secteur automobile) visant à redonner ses lettres de noblesse à l'industrie allemande. Le plan de relance français de 100 milliards d'euros (pour lequel 40 milliards de fonds européens ont déjà été demandés) paraît plus modeste et ne brille pas non plus par son originalité. Il s'agit d'un ensemble de réductions d'impôts pour les entreprises, d'investissements publics, de mesures sociales et d'investissements dans le secteur de la santé. Et le chauvinisme est ici aussi de mise: 15% du montant sont destinés à l'industrie aérospatiale française, en plus des nombreux milliards prévus pour les secteurs de l'aviation et de l'automobile.
Les Néerlandais partent évidemment d'une situation plus favorable, avec un budget en équilibre au début de la crise, un gouvernement de plein exercice et des dégâts économiques jusqu'à présents plus limités. La nouvelle politique suit la tendance observée dans le monde et mise davantage sur les investissements et la croissance, même si cela se fait au détriment du budget. Mais des lignes rouges sont également tracées. Un retour à plus d'orthodoxie budgétaire est prévu à partir de 2021 (voir le graphique). En outre, les investissements ciblent certaines priorités comme le verdissement de l'économie, l'innovation dans les PME, le vieillissement de la population et les réformes sur le marché de l'emploi. Un fonds de croissance national ("Nationaal Groeifonds") avec un horizon de 20-30 ans a ainsi été créé dans le but de renforcer les connaissances et l'innovation et améliorer les infrastructures. Du côté des recettes, signalons surtout l'impôt plus élevé (et plus écologique) sur les multinationales. Ce renforcement de la pression fiscale est clairement une réponse du politique à certaines multinationales qui ont récemment décidé de déplacer leurs quartiers généraux hors des Pays-Bas ou qui ont trop profité des incitants fiscaux. L'ensemble du plan est cohérent. En outre, les Pays-Bas peuvent compter sur les réserves accumulées dans le passé. Une belle carte de visite pour une petite économique ouverte qui a parfaitement pris conscience des grands défis internationaux. Une carte de visite qui va attirer l'attention des investisseurs internationaux et surtout les détourner de la Belgique. L'heure est venue de se réveiller dans l'autre partie des anciens Pays-Bas.