La BCE donne le feu vert à l'euro
Jeudi dernier s'est tenue à la BCE une réunion de politique qui n'a pas vraiment porté ses fruits. Les principaux paramètres de la politique monétaire sont restés inchangés: le taux de dépôt s'élève à -0,50% et l'ampleur du programme de crise PEPP à 1 350 milliards €. Récemment, des doutes sont apparus quant à l'utilisation par la BCE de la capacité totale du PEPP. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a clairement indiqué que ce serait le cas.
Jeudi, de nombreux analystes attendaient avec impatience de connaître l'avis de Mme Lagarde sur la forte appréciation du cours de change de l'euro. Philip Lane, chef économiste à la BCE, avait mis le feu aux poudres à ce sujet il y a deux semaines. Le communiqué d'accompagnement mentionne la devise comme un facteur à suivre. Mais lors de la conférence de presse, la Française a réagi plutôt sèchement en affirmant que l'euro ne constituait pas un objectif de la BCE. Officiellement, Francfort ne s'inquiète donc pas trop pour l'instant. En interne, par contre, les divisions sont nombreuses. Philip Lane, François Villeroy et, depuis ce week-end, Christine Lagarde se trouvent dans le camp de ceux qui craignent les effets secondaires indésirables d'une devise forte. Isabel Schnabel et Vitas Vasliauskas sont les figures de proue du camp opposé. Affaire à suivre donc…
Les nouvelles prévisions de croissance et surtout d'inflation soutiennent tout naturellement la position officielle. Pour cette année, la BCE a revu la croissance à la hausse, la faisant passer de -8,7 à -8%. La reprise annoncée des années à venir est donc un peu moins exubérante: 5% en 2021 et 3,2% en 2022. Les perspectives d'inflation n'ont pas manqué de créer la surprise. 2020 est restée inchangée à 0,3%, tandis que l'année prochaine a été revue à 1% (contre 0,8% précédemment). C'est étonnant au vu de la vigueur (la hausse) de l'euro et des pressions inflationnistes qui en découlent. Cela laisse supposer que le marché ne doit pas s'attendre à de nouveaux incitants monétaires dans l'immédiat. L'euro a pris ces signaux au sérieux. Dans un premier temps, le cours EUR/USD a évolué comme un pion, dépassant même 1,19, avant de revenir plus tard sur ses pas. C'était principalement dû à un revirement du sentiment à l'égard du risque et à une préférence générale pour le dollar.
Nous passerons d'ailleurs de la BCE à la Fed ce mercredi. À l'occasion de cette première réunion de politique depuis la modification du cadre monétaire, l'attention se portera surtout sur d'éventuelles adaptations relatives à la "forward guidance". Jerome Powell va-t-il déjà concrétiser le mandat monétaire renforcé, par exemple avec un objectif d'emploi? Il peut sceller les attentes du marché en ce qui concerne la politique future, pour autant que ce ne soit pas encore le cas actuellement. C'est précisément pour cette raison que toute spéculation à ce sujet est, selon nous, un peu prématurée. Dans les circonstances actuelles, l'utilité marginale est quasi nulle et ils en sont certainement conscients à Washington. Cette réflexion est probablement en cours et cela pourrait suffire à maintenir le dollar sur la défensive, surtout par rapport à un euro qui a reçu le feu vert de la BCE. Pour M. Powell (et l'économie américaine), l'affaiblissement du dollar ne pose pas de problème. L'EUR/USD pourrait donc, selon nous, grimper un peu dans la fourchette de fluctuation à la hausse au cours des prochains jours.