Brexit’s back, alright
Brexit is back. Longtemps éclipsé par la crise du coronavirus, le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne revient au cœur des débats, tant sur les marchés que dans les journaux. La cause de ce regain d’agitation: le fauteur de troubles Boris Johnson. Qu’a fait l’excentrique personnage cette fois-ci?
Résumé des épisodes précédents. En octobre 2019, sous la direction du premier ministre Johnson et de l’UE, le Royaume-Uni a forcé la concoction d’un nouvel accord de séparation. Une alternative a été trouvée au régime tant décrié du “backstop”: en somme, seule l’Irlande du Nord continuerait à faire partie de l’union douanière européenne quand le Royaume-Uni aurait quitté l’UE. Cela permettrait d’éviter une frontière dure entre l’Irlande du Nord et l’Irlande – mais elle serait de facto “en mer”, entre l’Irlande du Nord et le reste du Royaume-Uni.
Or le week-end dernier, le premier ministre britannique a posé une bombe sous cet accord formellement approuvé. Le Financial Times a découvert que le gouvernement Johnson prépare une législation qui mettrait notamment en pièces le régime nord-irlandais. La loi, présentée aujourd’hui, donnera aux ministres le pouvoir de suspendre les formalités douanières auxquelles les entreprises nord-irlandaises doivent satisfaire si elles veulent exporter des marchandises vers le reste du Royaume-Uni. Le raisonnement veut que le Royaume-Uni est un et indivisible. Pourtant, ce travail administratif découle du plan approuvé en 2019 et constitue en fait son essence même. La loi mine en outre l’aspect des aides d’État éventuellement octroyées à l’Irlande du Nord: le cas échéant, l’UE doit toujours en être informée, ce qui tient la route, car les entreprises nord-irlandaises subventionnées bénéficient d’un avantage concurrentiel de par leur accès illimité au marché européen. La proposition de loi soumettrait cependant le pouvoir de décision en matière de notification aux ministres britanniques. Enfin, sans concertation aucune, Johnson a fixé la date limite pour l’obtention d’un accord au 15 octobre. Sans compromis, le commerce entre l’UE et le Royaume-Uni relèvera du jour au lendemain des règles de l’OMC.
Johnson joue gros jeu. Depuis des semaines, les négociations sur la future relation commerciale sont au point mort. La pêche et les aides d’État sont notamment des obstacles à surmonter. L’on ne peut que spéculer sur les motifs du premier ministre (viser la lune pour décrocher les étoiles, restaurer sa popularité en déclin?), car ce genre de poker (menteur) ne facilitera pas les discussions déjà épineuses. Quelles que soient ses véritables intentions, Johnson se tire surtout une balle dans le pied. Outre l’indignation des dirigeants européens, la démarche a provoqué la démission du conseiller juridique en chef, Sir Jonathan Jones. Jones ne décolère pas du fait que le Royaume-Uni soit prêt à aller jusqu’à bafouer ouvertement le droit international. En effet, c’est un autre risque de dommages permanents pour le Royaume-Uni: même si la stratégie de Johnson porte ses fruits dans le cadre des discussions européennes, le pays perd de sa crédibilité en tant que partenaire commercial fiable sur la scène internationale. Et le Royaume-Uni doit encore conclure de nombreux autres accords commerciaux…
Incertitudes croissantes, menace renouvelée d’un Brexit sans accord, détérioration du standing international britannique: rien d’étonnant à ce que la livre britannique en paie le prix. En quelques jours, l’EUR/GBP a compensé les pertes subies en deux mois. Aujourd’hui, la paire a rebondi de la zone de support autour de 0,885 vers 0,91. À court terme, il est difficile d’avoir une vision positive sur la devise. Nous nous attendons à ce que la zone de 0,90+ devienne un terrain connu pour la livre dans la période à venir. Et cela nous semble (fondamentalement) justifié, surtout au vu des derniers développements.