Une couronne tchèque sur la défensive
Fin août, la couronne tchèque a (provisoirement) tenté une dernière fois de passer sous la barre de EUR/CZK 26. Il s'agit du niveau de retracement de 62% de la hausse du cours entre février et mars. L'analyse technique suggère un mouvement de reprise en bonne et due forme en cas de franchissement du niveau de retracement de 62%. Cela n'a donc rien d'anodin. Le dernier test en date a eu lieu après l'annonce par le gouvernement Babis de nouvelles mesures de relance budgétaires sous la forme d'une modification du calcul de l'impôt sur le revenu et du versement d'une prime unique pour les pensionnés. La couronne a alors gagné du terrain parce que ce stimulus budgétaire a coupé les ailes de l'orthodoxe banque centrale. La CNB a abaissé son taux directeur à 0,25% et a brandi la menace d'un recours à des moyens non conventionnels, des taux négatifs aux achats d'actifs en passant par des interventions sur le marché des changes en vue de freiner l'appréciation de la couronne. La banque n'a toutefois pas joint le geste à la parole. La probabilité que la CNB vire à nouveau de bord après ce nouveau stimulus budgétaire a diminué. D'autant plus que l'inflation se trouve au-dessus de la marge de tolérance autorisée autour de l'objectif de 2% (3,4% en glissement annuel en juillet).
La monnaie tchèque est sur la défensive depuis le début de ce mois. Le cours EUR/CZK est passé au-dessus de la barre de 26,50 pour la première fois depuis la mi-juillet. Plusieurs facteurs jouent ici un rôle. Pour commencer, la Tchéquie doit faire face à une seconde vague de contaminations. Les chiffres journaliers dépassent ceux du printemps et Prague a, par exemple, décidé de resserrer la vis. Le port du masque est désormais obligatoire et les établissements horeca doivent fermer leurs portes. Une deuxième raison est venue de la CNB. Le gouverneur, Jiří Rusnok, s'est exprimé à propos de l'évolution de la politique monétaire. Celle-ci demeurera accommodante tant que l'économie ne montrera pas des signes clairs de reprise. Rusnok ne s'attend pas à ce que cela arrive avant mi-2021 au plus tôt. En attendant, le taux directeur tchèque sera maintenu à ses niveaux planchers actuels. L'économie du pays a reculé de 8,7% en glissement trimestriel au deuxième trimestre et l'indicateur de confiance des entreprises PMI pour l'importante industrie manufacturière (août) demeure inférieur à 50, le niveau qui marque la différence entre croissance et contraction. Des chiffres objectifs tels que les ventes au détail et la production industrielle se sont quant à eux repliés en juillet. La hausse du taux de chômage reste en revanche limitée grâce aux différents programmes du gouvernement (3,8% contre 3% en début d'année). Un troisième facteur réside dans le climat général du risque. La correction (boursière) limitée et l'accroissement de la volatilité exercent une influence négative sur les monnaies moins liquides, comme les trois d'Europe centrale.
En attendant la réunion de politique de la BCE ce jeudi, l'économiste en chef Philip Lane a prévenu que le cours de change (EUR/USD) jouait un rôle important dans la définition de la politique. Nous craignons que la BCE ne dispose pas de suffisamment de munitions pour parvenir à freiner la progression de l'euro. Cette vigueur de la monnaie européenne pourrait de nouveau pousser le cours EUR/CZK au-dessus de 26,50. D'un point de vue technique, la marge de fluctuation évoluerait alors de 26,00-26,50 à 26,50-27,00.
Mathias Van der Jeugt, salle des marchés KBC