Plein feux sur la BCE et les ventes d’obligations
Vendredi dernier, nous avons assisté à la publication d’une des principales séries de statistiques mensuelles: les “payrolls”, le rapport sur le marché de l’emploi américain. Ce rapport a encore gagné en importance maintenant que la banque centrale américaine prend davantage en considération la maximisation de l’emploi dans la mise en œuvre de sa politique.
Verdict? Les payrolls ont été bons, sans plus. 1 371 000 emplois se sont ajoutés en août, une baisse par rapport au mois dernier (1 734 000), mais un résultat malgré tout un peu plus positif que prévu. Le taux de chômage a cependant fortement diminué, passant de 10,2% à 8,4%. Ce dernier élément a été déterminant pour la réaction des marchés, en particulier les marchés des taux. Les taux à long terme américains ont grimpé et les taux à 30 ans atteignent même un très honorable 11 pb. Le recul du chômage est une bonne nouvelle, mais il faudra encore longtemps avant que l’emploi ne retrouve son niveau pré-coronavirus. Sur les quelque 22 millions d’emplois qui ont été perdus au printemps, nous n’en avons récupéré que la moitié. Le président de la Fed, Jerome Powell, a partagé cette analyse lors d’un entretien le vendredi même. En gardant à l’esprit les nouveaux accents politiques de la Fed, il a souligné le fait que la reprise dans des secteurs comme les voyages, les loisirs et l’horeca reste particulièrement difficile. Ce point est d’autant plus important que ces secteurs sont critiques pour l’emploi de groupes sociaux plus faibles. C’est pourquoi Powell a réitéré son plaidoyer en faveur d’un soutien fiscal supplémentaire. La Fed devra elle aussi soutenir longtemps l’économie avec des taux extrêmement bas. Selon son président, l’horizon se mesure en “années”. Dans ce contexte, la forte hausse des taux s’est maintenue aux États-Unis vendredi. Le marché est clairement toujours à la recherche d’un nouvel équilibre à la lumière du nouveau cadre politique de la Fed. Constat frappant: le dollar n’a pas profité de la forte hausse des taux (réels) aux États-Unis. Une fois de plus, la performance de la devise américaine déçoit.
Mais une autre cause était peut-être à l’origine de la forte baisse des obligations américaines vendredi. Nous en venons ainsi au calendrier de cette semaine. Aujourd’hui, les marchés américains sont fermés à l’occasion du Labor Day. Il n’y a pas beaucoup de dates importantes en perspective. Vendredi, nous assisterons à la publication des chiffres de l’inflation aux États-Unis. Jusqu’à nouvel ordre, celle-ci reste encore très éloignée de l’objectif “symétrique” de 2,0% de la Fed. L’événement majeur pour le marché (des taux) sera probablement la vente d’un grand nombre d’obligations d’État par le Trésor américain. Demain, la Treasury veut en effet placer pour 50 milliards de dollars d’obligations d’une durée de 3 ans. Mercredi et jeudi, des titres à 10 ans (35 milliards de dollars) et à 30 ans (23 milliards) seront proposés. Malgré la présence de la Fed sur le marché obligataire, il reste à voir comment le marché digérera cette offre massive. Un positionnement prudent à l’approche de cette adjudication a dès lors probablement contribué à la remontée des taux d’intérêt aux États-Unis vendredi.
Du côté européen, une réunion de la BCE est prévue ce jeudi. Un changement de politique n’est pas à l’ordre du jour. Cependant, le marché attend avec impatience les nouvelles perspectives de la BCE. L’inflation ayant récemment baissé, Lagarde devrait être interrogée sur la poursuite des mesures d’assouplissement. Une fois de plus, ce sujet ne fait pas l’unanimité au sein de la BCE. Le président de la Bundesbank Weidman souligne que les achats d’obligations dans le cadre du PEPP sont temporaires. D’autres membres, dont l’économiste en chef de la BCE Lane, sont ouverts à un soutien supplémentaire. La vigueur de l’euro sera aussi certainement un sujet de questionnement. Mais tant que la hausse du différentiel EUR/USD est principalement due à une baisse du dollar, la BCE ne pourra guère l’influencer, même si cette situation peut affecter l’inflation, les exportations et la croissance. Il sera intéressant de voir comment Lagarde négociera cet écueil.