La Fed fait ce qu'elle peut…
La banque centrale américaine a rendu public le résultat de sa réunion de politique hier. Auparavant, par facilité, nous parlions d'une "décision de taux". Mais il n'y a plus grand-chose à décider sur ce point depuis quelque temps. Contrairement à l'Europe et certains autres pays qui ont tenté l'expérience des taux négatifs, cette approche est très difficile à mettre en œuvre aux États-Unis, pour des raisons pratiques et de principe. La fourchette du taux directeur avait déjà été ramené à un plancher situé entre 0,0% et 0,25%, rien n'a changé à ce niveau. Hier, nous attendions surtout avec impatience la déclaration de politique et la conférence de presse du président Powell.
Dans la déclaration de politique, seules deux petites phrases ont été modifiées par rapport à juin. La Fed constate ainsi que l'activité et l'emploi se sont redressés ces derniers mois, même s'ils restent largement de dessous de leurs niveaux du début d'année. La banque centrale a évidemment ajouté un "MAIS" à ce constat positif. La Fed ne pouvait pas non plus se permettre de nier l'évidence. La seule phrase véritablement nouvelle dans le communiqué dit d'ailleurs ceci: "la trajectoire économique dépendra largement de l'évolution du virus". Depuis la dernière réunion, la situation s'est évidemment rapidement détériorée.
Lorsque la situation économique se dégrade, le marché ne demande qu'une seule chose: plus de stimulus! Powell se devait donc de convaincre le marché qu'il pouvait toujours compter sur la Fed. Mercredi, la Fed a d'ores et déjà annoncé la prolongation jusqu'à la fin de l'année de sept facilités de crédit exceptionnelles qui avaient été mises en place en début d'année et qui devaient arriver à échéance en fin septembre. Dans la pratique, ces facilités sont beaucoup moins utilisées que ne l'espéraient initialement la Fed et le gouvernement. Outre les obstacles pratiques et administratifs, se pose également parfois un problème de coût pour les emprunteurs. Soit dit en passant... Quoi qu'il en soit, ces lignes de crédit ont donc été prolongées. C'est le geste qui compte. La Fed fait ce qu'elle peut et tente de montrer qu'elle a toujours son mot à dire. Ce message a également été répété au niveau de la politique monétaire. La Fed maintiendra les taux d'intérêt à leur plancher pendant encore (très) longtemps. Et la banque pourrait également bientôt jouer davantage la carte de la "forward guidance" en expliquant, par exemple, au marché que les taux ne seront pas relevés tant que l'inflation et le chômage n'auront pas atteint des niveaux bien précis. Cela devrait également permettre de maintenir les taux à plus long terme bas.
Bien que cette "forward guidance" n'ait pas encore été
officiellement mise en place, la Fed a tout de même déjà obtenu ce qu'elle
voulait. Le taux à 5 ans est ainsi tombé à un plancher historique de 0,24%! Si
le marché venait à douter, la Fed pourrait encore comprimer les taux à long
terme en adaptant ses achats d'obligations. Powell est néanmoins forcé de reconnaître que tout
cela ne suffira pas à sortir de la crise. D'où le
nouvel appel urgent adressé aux autorités budgétaires pour qu'elles effectuent
leur part du travail. Un message clair envoyé aux politiques qui sont toujours
empêtrés dans des discussions à propos d'un nouveau programme de stimulation.
Le marché n'a pas beaucoup bougé, mais a tout de même réagi plus ou moins comme la Fed le voulait. Les taux d'intérêt se sont maintenus à leurs récents planchers et sont encore en baisse ce matin. Le dollar a corrigé et est tombé à un nouveau plus bas pendant la conférence de presse. Les actions ont gagné du terrain. Mais il n'est déjà plus question de hausse ce matin sur les bourses. Le cours EUR/USD s'est également légèrement replié. Nous ne tirons encore aucune conclusion ce matin. La baisse des taux réels négatifs, y compris sur les plus longues échéances, a certainement été l'une des raisons de l'affaiblissement du dollar ces derniers temps. Cette tendance s'est depuis encore renforcée. La paire EUR/USD s'approche aussi d'un important niveau de résistance technique (1,1822 EUR/USD correspond à un retracement de 62% depuis le plus haut de 2018). Cela pourrait entraîner quelques prises de bénéfices sur les positions shorts en dollars. Nous n'observons cependant encore aucun signe d'un renversement de tendance pour le moment..