Le doute augmente...
Hier, l'agenda du marché était enfin de nouveau bien rempli. En Europe, la BCE a pris sa décision en matière de politique. Aux États-Unis, de nombreux chiffres économiques pertinents ont été publiés et plusieurs gouverneurs de la Fed se sont exprimés sur les évolutions récentes. Face à toute cette actualité, le marché a surtout réagi en laissant transparaître ses doutes.
La BCE n'a pas livré beaucoup de nouvelles informations. Les taux directeurs restent à leurs planchers absolus, à savoir 0% pour le taux repo et -0,5% pour le taux de dépôt. Les programmes d'achat (APP et PEPP) sont intégralement maintenus. Les montants n'ont pas été adaptés. La BCE s'est également montrée ravie de son soutien structurel à l'octroi de crédits aux ménages et aux entreprises. Lors de la conférence de presse, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, s'est montrée prudemment positive à propos de la première phase de la reprise, mais elle a mis en garde contre les grandes incertitudes (revenus, emploi ...) qui pèsent sur l'économie. Dans ce contexte incertain, vous n'avez, en tant que banquier central, rien à gagner à être trop optimiste. Cela risquerait de remettre en question votre engagement à soutenir l'économie. Les marchés ne s'attendaient pas du tout à cela. Après la première phase d'urgence, la BCE est maintenant entrée dans une phase de soutien et d'accommodation permanents. La réaction du marché est restée extrêmement modérée. Mission accomplie par Lagarde: ne pas perturber le calme relatif et ne pas briser la confiance qui a été établie.
Les chiffres américains et la réaction des marchés hier ont été intéressants. Trois des quatre séries (un indicateur du marché immobilier, les ventes au détail et la confiance des entrepreneurs) se sont avérées (très) solides. Les demandes hebdomadaires de chômage ont en revanche à peine diminué. 1,3 million d'Américains ont encore déposé une première demande d'allocation. Cela constitue une source de préoccupation. L'économie avait bien repris, mais la recrudescence du virus complique le redémarrage. Les bourses américaines ont ouvert dans le rouge et ont ensuite manqué de tonus. Une réaction comparable à celle observée en Asie ce matin. Les chiffres décevants des ventes au détail ont relégué au second plan ceux, solides, de la croissance et de la production. Dit autrement: la consommation/demande intérieure et, plus encore, l'emploi sont deux moteurs cruciaux de la reprise. La Fed est également clairement inquiète de la recrudescence du virus. Les trois gouverneurs qui se sont exprimés hier ont surtout insisté sur les risques et pas sur les statistiques positives du passé (récent).
Sur le marché, le sentiment de doute se reflète surtout sur la courbe des taux américaine. Les taux d'intérêt ont plutôt tendance à stagner depuis un certain temps. Jusqu'il y a un peu plus d'un mois, une belle séance boursière entraînait souvent une hausse temporaire des taux à long terme et un léger raidissement de la courbe. Cela a été moins le cas ces derniers temps. La courbe américaine devient de plus en plus plate et les taux sont plus bas.
La situation est mitigée sur le marché des changes. Le dollar profite toujours (légèrement) d'un contexte "risk-off". Nous avons cependant l'impression que la baisse constante des taux (à long terme) commence à jouer des tours au billet vert. Nous n'enlevons pas encore au dollar américain son statut de valeur refuge. La liquidité du billet vert reviendra certainement dans les discussions en cas de véritable escalade de la crise. Dans le contexte actuel de fléchissement de la confiance, le soutien toujours plus faible des taux pourrait progressivement constituer un frein pour le dollar. Le prochain événement important pour la paire EUR/USD sera bien entendu le sommet européen consacré au plan de sauvetage européen, qui se tiendra aujourd'hui et demain. Nous y reviendrons la semaine prochaine. .