Des dépenses plus sélectives
Au début de la semaine passée, le premier ministre britannique, Boris Jonhson, avait levé un coin du voile concernant ses nouveaux plans de relance économique. L'espoir est que ces plans aident le pays a sortir de la prise récession qu'il ait connue depuis 300 ans. La stratégie "Build Build Build" et son slogan "construire mieux, plus vert, plus vite" de Johnson se focalise surtout sur les travaux d'infrastructure. La somme de 5 milliards de dollars dégagée à cet effet n'a cependant rien d'impressionnant. Le premier ministre n'en a pas moins fait impression sur le marché, comme en atteste notamment la réaction de la livre sterling. Hier, c'est le ministre des Finances, Rishi Sunak, qui a annoncé un nouveau train de mesures budgétaires.Le gouvernement a décidé que l'heure n'était plus aux dépenses à tous crins.
Le plan que vient de dévoiler Sunak est principalement axé sur l'emploi. À l'heure actuelle, le gouvernement britannique finance environ 80% des salaires des personnes en chômage temporaire. La condition est que ces travailleurs ne soient pas licenciés. Le coût de cette mesure est estimé à environ 14 milliards de livres par mois. Une situation intenable. Ce programme sera progressivement démantelé au cours des prochains et définitivement enterré fin octobre. Hier, Sunak a toutefois promis la mise en place d'une alternative. Pour chaque chômeur qui pourra reprendre le travail à partir de novembre et qui restera actif jusqu'au moins fin janvier, l'employeur touchera 1.000 livres. Le gouvernement a débloqué une enveloppe de 9 milliards pour cela. Avec les chèques-restaurant et la réduction provisoire de la TVA de 20% à 5%, Sunak tente de sauver la saison de l'horeca et des parcs d'attraction (4,5 milliards de livres). Cet accent sur le tourisme et l'horeca n'a rien de surprenant quand on sait que ces deux secteurs représentent environ 10% de l'emploi au Royaume-Uni et jusqu'à 5% du PIB. Par ailleurs, une réduction d'impôt sur l'immobilier devrait aussi donner un petit coup de pouce au secteur de la construction. Trois milliards de livres ont également été dégagés pour financer les ambitions vertes du gouvernement.
Le coût total de ces mesures est estimé autour de 30 milliards de livres. Cela pourrait paraître beaucoup, mais rapportée au PIB, cette somme reste relativement modeste. Elle n'a en outre rien d'impressionnant face aux énormes mesures budgétaires qui sont prises presque partout ailleurs dans le monde. Pour nous, le gouvernement veut surtout faire passer le message que la page des dépenses illimitées est provisoirement tournée. Ce qui était encore acceptable au moment où la pandémie était incontrôlée est beaucoup plus difficile à justifier aujourd'hui. Selon les estimations, le déficit budgétaire devrait grimper à 350 milliards de livres, soit environ 17% du PIB, un record depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Dans ce contexte, une politique budgétaire plus sélective et plus modérée n'a donc rien de prématuré. Cela signifie cependant que la livre sterling perd (en partie) un important facteur de soutien. Cela explique peut-être la performance relativement décevante d'hier. Mardi, le cours EUR/GBP était retombé sous la barre de 0,90, mais le mouvement qui suit généralement la rupture d'un seuil technique à ce point important a manqué de conviction. À court terme, la monnaie pourra compter sur un sentiment de marché toujours favorable. La paire EUR/GBP s'est prudemment réinstallée dans l'étroite fourchette de fluctuation située entre 0,89 et 0,90 de fin mai et juin. À plus long terme, nous sommes toujours persuadés que la livre devrait plutôt osciller entre 0,90 et 0,92.